"Cela m'est très difficile de venir témoigner aujourd'hui". C'est la gorge nouée que cette mère de famille est venue témoigner de ce qu'elle a vu, le 15 mars 2012, lorsque Mohamed Merah a tiré sur trois militaires parachutistes, Mohamed Legouad, 23 ans, Abel Chennouf, 25 ans, et Loïc Liber, 27 ans, à Montauban.
Il tue deux d'entre eux, le dernier est gravement blessé et aujourd'hui tétraplégique. Depuis le 2 octobre, c'est son frère Abdelkader Merah qui est jugé pour complicité d'assassinats terroristes et association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte terroriste.
Plusieurs personnes viennent jour après jour revivre les atrocités auxquelles ils ont assisté cinq ans après le drame. Une situation difficile, convient Hélène Dubost, psychologue clinicienne et experte à la cour d'appel de Lyon, jointe par RTL.fr. "Ils ont été témoins de morts de personnes donc il y a forcément eu choc ou traumatisme, qui est difficile à verbaliser, qui plus est sur la scène d'un procès qui est engageante, solennelle, angoissante", explique-t-elle.
Témoigner ravive le choc
Helène Dubost, psychologue clinicienne et experte à la cour d'appel de Lyon
Le 11 octobre, ce sont des témoins de la tuerie de l'école juive qui sont venus à la barre. Le 19 mars 2017, Mohamed Merah abat Jonathan Sandler, 30 ans, puis ses enfants de 5 et 3 ans, Gabriel et Aryeh, ainsi que Myriam Monsonégo, 8 ans.
Dovan avait 15 ans en 2012 : "J’étais tétanisé, je ne savais pas quoi faire. Il (un de ses amis, ndlr) s’est mis à courir alors j’ai couru et j’ai réalisé qu’on avait laissé la petite devant. J’ai crié 'Myriam cours ! Cours !', elle a couru puis elle est retournée en arrière parce qu’elle avait fait tomber son cartable. J’ai vu Bryan tomber, Myriam tomber. Elle avait la tête face au bitume dans une mare de sang, je l’ai prise dans mes bras, j’ai retourné son visage". Dovan est venu témoigner avec un paquet de mouchoirs dans la main. Ses mots sont forts, précis et ne laissent pas tellement de place à l'imagination.
Bryan, qui a été blessé par le terroriste, n'a pas pu venir témoigner. "C’est impossible pour lui, c’est au-dessus de ses forces de se retrouver devant les complices de son agresseur", a expliqué son avocat. Le fait de venir en parler "fait remonter les scènes, les faits, ravive le choc, la souffrance de s'être retrouvé là", explique alors Helène Dubost, aussi membre du bureau national du syndicat des psychologues.
Si on a pu élaborer, en parler, l'impact traumatique s'éloigne
Helène Dubost, psychologue clinicienne et experte à la cour d'appel de Lyon
Elle ne pense toutefois pas que le traumatisme peut rester à vie même si "on n'oublie pas". "Si on a pu élaborer, en parler, l'impact traumatique s'éloigne", et le contexte du procès, justement, "peut aussi soulager" même si "c'est à la fois angoissant". "Tout dépend de ce que la personne a fait dans le temps de latence", poursuit-elle en précisant que si elle a parlé de son expérience, "le choc est apaisé".
Mais il y a aussi le contexte-même du procès qui est particulier. "Lorsque c'est médiatisé, ça prend une autre ampleur" et dans ce cas précis "ravive la question de l'antisémitisme et des assassinats d'enfants".
Mais la salle d'audience, c'est aussi l'occasion de croiser d'autres témoins qui ont eu la même expérience. C'est le cas de la mère de famille qui était présente lors du meurtre des militaires de Montauban. Lorsqu'elle a fini de témoigner, elle est allée retrouver une autre témoin qui s'était assise sur les bancs de la salle Voltaire. Elles ont fondu en larmes dans les bras l'une de l'autre. Une aide selon la psychologue : "On n'est plus seul".
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