Au départ, ce policier expérimenté pense qu’il s’agit d’un jouet. Avec son ossature en plastique verte, la grenade qu’il découvre lundi en fin de journée est pourtant bien mortelle. Semi-enterrée, seule sa cuillère métallique dépasse. Une arme capable de "tout raser sur les 15 mètres alentours", selon le fonctionnaire, qui prévient les démineurs. Implanté face au M.I.N des quartiers nord et composée de petits bâtiments colorés, "La Paternelle" est devenu un terrain de guerre en quelques semaines.
Depuis début février, les tentatives d'assassinats s'enchaînent. Ce jeudi soir, deux jeunes hommes de 18 et 21 ans ont été blessés lors d'une fusillade en plein cœur du quartier. Dans la nuit du 9 au 10 février, un guetteur présumé de 15 ans a été fauché par des balles de kalachnikov. Il a miraculeusement survécu.
Moins chanceux, quatre jours plus tard, un autre "chouf" présumé, également mineur, a été battu à mort par un groupe, frappé de plusieurs coups de couteaux et abandonné inerte devant la cité. Vendredi 25 février, un homme d’une quarantaine d’années, fiché à Paris, est exécuté d’une balle dans la tête à proximité d’un point de deal de La Paternelle. Entre temps : des coups de feux aux 4 coins de Marseille dans un conflit qui "s’exporte" et a provoqué une dizaine d'affrontements armés en quelques semaines.
Car dans ce quartier du 14ème arrondissement, il y a le point de deal "Nord", surnommé le "Maga" et celui implanté au "Sud" du quartier, dénommé "la Fontaine". Barrières métalliques, containers et mêmes matelas restreignent les accès de la cité. Chaque "réseau" à son point de vente, ses fidèles clients, ses propres soldats et guetteurs. Hier concurrents attentifs, aujourd'hui ennemis jusqu'à la mort. Et l'âge des victimes le prouve : ce sont les plus jeunes qui sont les premiers à être envoyés au front. "Leurs patrons les font monter au carton et restent loin de tout cela", souffle un gradé de la Police Judiciaire. Des patrons qui contrôleraient d’autres points de deals à Marseille : cité Bassens, aux Micocouliers, à la Cabucelle. "Ces lieux de vente de résine de cannabis et de cocaïne ont des liens d’affaires ou appartiennent aux mêmes propriétaires", indique notre source. Alors quand des fusillades éclatent dans ces cités à quelques jours d’intervalle, comme des vengeances aux coups de feu de la veille, les enquêteurs penchent pour des répliques du conflit de La Paternelle, comme l’a dévoilé dans une enquête le journal La Provence.
Face à cette nouvelle hémorragie dans les quartiers nord, la
police marseillaise déploie son arsenal d'urgence. Avec des escadrons de CRS, des équipes de la
BAC Nord et des enquêteurs de la police judicaire, qui ratissent le secteur quotidiennement, mettent de côté de précieux indices pour la procédure. Cerise sur le ghetto : le ministère de l’Intérieur a décidé d’envoyer
sur place vendredi la "CRS 8", une compagnie plus mobile, spécialisée
dans les violences urbaines et habituellement stationnée en Essonne. Leurs cars gris quadrillent La Paternelle de longues heures chaque jour, au milieu des poules en liberté et des mères de famille partant faire leurs courses en bus. Objectif :
sécuriser les opérations de police sur place mais aussi les habitants, déjà bien
secoués, comme Nathalie, maman de deux grands enfants : "Déjà cet été, ça tirait
dans le quartier. C’est un réseau qui tourne 24/24h, on les entend crier 'arah',
s’engueuler, se bagarrer, c’est infernal. Ces petits qui se font flinguer, ce ne sont pas des jeunes
de La Paternelle, on les voit arriver en bus le matin avant de prendre leurs
postes. Maintenant, il y a des tirs et ça nous inquiète".
L’origine de cette brutale dégradation entre les deux
équipes de trafiquants reste obscure. Par sa proximité avec l’autoroute A7, le
point de deal dit de "la Fontaine" est l’un des plus lucratifs de
Marseille. Celui du "Maga" a changé de mains plusieurs fois ces
dernières années. "Des concurrents qui coexistaient jusqu’ici pacifiquement
et se livrent aujourd’hui une guerre sans merci" décrypte la Préfète de
Police des Bouches-du-Rhône, Frédérique Camillieri. "Comme ils ont des
intérêts dans d’autres cités, ce conflit essaime dans plusieurs quartiers. On
estime que les trois quarts des fusillades à Marseille depuis le début de l’année
sont vraiment liées à cette guerre interne à la Paternelle. On vise le dealer
du jour, le guetteur du jour. Souvent mineurs, recrutés en hors de Marseille
via les réseaux sociaux, parfois en rupture familiale et qui ne sont ici que
depuis quelques jours".
"Depuis vendredi, la 'CRS 8', spécialisée dans les opérations coups de poings, est allée chercher des armes, de la drogue et faire des interpellations dans les cités 'secondaires' de ce conflit avant de se recentrer sur La Paternelle. Ça c’est pour l’urgence, maintenant la PJ va travailler pour démanteler ces réseaux, retrouver les commanditaires et les assassins", conclut la Préfète, qui s’est rendue sur place le week-end dernier. La Compagnie Républicaine de Sécurité spécialisée devait en principe rester sur place deux semaines, elle vient de constater en 7 jours et en 3 fusillades que sa mission sera ardue.
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