Le 21 juin 1995, Monique Havé est inquiète. Ses deux fils, Thomas, 14 ans et Nicolas, 13 ans, ne sont pas rentrés. Ces derniers sont partis à bicyclette avec un de leurs copains, Pierre Lampérier, 14 ans, lui aussi volatilisé. Une de leurs copines fait savoir que les trois garçons sont sans doute à la grotte de Montérolier, dans le bois de Clerfeuille.
À quelques minutes du village de Buchy, ce vaste ensemble de galeries souterraines, est un lieu bien connu des gens du coin. Un site d'exploration pour les curieux et un terrain de jeu pour les enfants. Ce sont les Allemands qui, en toute hâte, à la fin de la guerre, ont construit cet immense complexe destiné à accueillir les bombes volantes destinées à détruire Londres.
Cette grotte, considérée comme innocente, retient en otage les corps des trois malheureux ainsi que des six adultes qui auront tenté de retrouver les enfants à l'intérieur. Sur place, les pompiers font état d'odeurs âcres et d'une fumée qui incommode les sapeurs à l'intérieur de la cavité. Les recherches sur site, jugé trop dangereux par le brouillard nocif, sont arrêtées. Elles ne reprennent qu'à 6h du matin.
Le lendemain du drame, Dominique Petit, pompier à Buchy émerge de la grotte. Il est le seul survivant parmi les hommes qui ont cheminé profondément dans les galeries. Intoxiqué, Dominique Petit est hospitalisé en urgence à Rouen. L'homme vient de frôler la mort et décrit un nuage gris ainsi qu'une odeur d'œuf pourri. Interviewé dans L'Heure du crime, José Lampérier, père de Pierre Lampérier, atteste que Dominique Petit n'a jamais changé de version : "L'interprétation de Dominique Petit lors de son intervention est relativement précise, et ce, depuis le début. Il n'a pas changé de version, il n'a pas remarqué de feu à l'intérieur de la galerie, il a toujours dit qu'il a vu des flammes bleues au niveau du sol".
Son témoignage précieux ne va pourtant pas retenir les attentions de la justice, et celle de la procureure de Dieppe, Elizabeth Cénot. Cette dernière annonce une intoxication au monoxyde de carbone, suite à un feu allumé par les enfants. Lors du procès-verbal, les propos du survivant ne sont pas les mêmes. Le dossier judiciaire attribue les odeurs à une lampe à carbure. À la place des flammes bleues évoquées par Dominique Petit, les gendarmes évoquent des braises. À l'hôpital, on refuse de communiquer au pompier de 36 ans, son bilan sanguin.
C'est le seul survivant, et on ne l'entend pas
Philippe Dufresne
Beaucoup de choses ne collent pas et le pompier Dominique Petit ne cache pas son scepticisme. Interviewé dans L'Heure du crime, Philippe Dufresne, journaliste, soulève une procédure judiciaire inhabituelle : "Dominique Petit n'est auditionné que par les gendarmes. La juge d'instruction, alors que c'est le témoin principal puisque c'est le seul survivant, ne l'entend pas".
Il poursuit : "Le rapport de l'expert attestera que ça ne peut pas être lié à la combustion d'un feu allumé par les enfants qui aurait mené à du monoxyde. Il dit qu'il y a du monoxyde, mais qu'il n'y a pas que ça et ce n'est pas dû à un feu de bois. Les pompiers, plusieurs experts, les familles qui ont récupéré les vêtements des défunts, tous disent que c'était une puanteur, comme de l'œuf pourri, soit quelque chose comme le chlore. Or, il faut quand même se rappeler que le monoxyde de carbone ne sent pas", souligne le journaliste au micro de RTL.
Au fil des mois d'enquête, les familles des victimes sont gagnées par les doutes. Deux ans après le drame, la juge d'instruction s'appuie sur le rapport de trois experts pour certifier que les neuf décès sont uniquement dû au monoxyde de carbone. "On a toujours pensé depuis le début qu'il y a toujours eu plus que du monoxyde de carbone comme cause de l'accident, raconte José Lampérier au micro de RTL. "Ce qui nous a tout de suite interpellé, c'est le déroulement des secours. On peut comprendre qu'il y a eu peut-être des désorganisations pendant une heure, mais là, les secours ont été interrompus durant plus de 6 heures".
Comme devenues subitement gênantes dans cette affaire, les familles des victimes réfutent l'accusation portée contre les enfants, désignées comme coupables et initiateurs du feu qui aurait propagé le monoxyde de carbone. "Peut-être qu'on a envie que le dossier porte sur un feu de bois et faire porter la responsabilité aux enfants. Cela serait beaucoup plus simple pour le reste et qu'ainsi la responsabilité soit diluée", répond José Lampérier au micro de RTL.
Votre feuille est blanche, mais on vous dit qu'elle est noire.
José Lampérier.
En 1997, toutes