Un défi de bagarre à mains nues entre ados qui finit en rixe mortelle. C’est le scénario désolant que révèlent les investigations de la police judiciaire parisienne sur le meurtre de Baba, un lycéen de 16 ans mortellement poignardé le 11 novembre dernier à Paris, à deux pas de la porte d’Asnières. Le dossier d’enquête que RTL a pu consulter met à jour les rivalités futiles entre les jeunes de "PDA" (Porte d’Asnières), dont faisait partie Baba, et les jeunes de "PSO" (Porte de Saint-Ouen) qui ont abouti au drame. A ce jour sept mineurs et un jeune majeur de "PSO" sont mis en examen pour meurtre en bande organisée.
Tout commence le 6 novembre au niveau de la porte de Clichy, à mi-chemin entre les deux quartiers rivaux, séparés par quatre stations de tramway. Selon l’un des suspects mis en examen, un groupe d’ados de "PSO" croise par hasard des rivaux de "PSA". Mauvais regard ou provocation, le point reste à éclaircir, mais un groupe fait savoir à l’autre qu’"il a un souci". Le ton monte. "Ça a continué sur Snapchat où des gars de Porte d’Asnières ont dit à ceux de Porte de Saint-Ouen de venir pour que les deux puissent s’expliquer", raconte aux enquêteurs l’un des protagonistes. "Nous y sommes allés à quinze, toute l’équipe des 2006 et quelques renforts des 2005. De là il y eu bagarre générale".
Aucun couteau n’est sorti lors de cette première rixe, seuls les poings parlent. Détail futile, des bonnets sont dérobés selon plusieurs participants. La montée de tension, phénomène récurrent entre les deux quartiers, aurait pu en rester là. Mais quelques heures plus tard deux adolescents de la porte de Saint-Ouen retournent porte d’Asnières pour régler le conflit et l’affaire des bonnets. Et arrivé sur place, un des émissaires est à son tour frappé alors qu’il n’a pas pris part à la bagarre.
C’est l’étincelle qui va mettre le feu aux poudres. Car un des amis de l’émissaire malmené décide de le venger, comme il le reconnaitra ensuite lors de ses auditions par la Brigade criminelle: "Suite aux coups reçus, A. a écrit à B. sur Snapchat pour lui présenter ses excuses et lui dire que l’histoire était close. Mais je n’ai pas accepté que ça se termine si facilement, il y avait injustice, j’ai décidé de me battre en tête à tête avec A. et après ce serait terminé".
C’est à partir de là que s’organise le "1vs1", autrement dit une bagarre à un contre un, à mains nues, devant témoins, censée solder le conflit du moment entre les bandes de "PSO" et "PDA". Des messages circulent sur les réseaux sociaux. L’affrontement est annoncé. Rendez-vous est pris pour le 11 novembre au soir.
A ce stade, Baba n'est pas impliqué. Il fait certes partie de "PDA" mais n'apparait pas dans cette première séquence. Le jeune homme de 16 ans est en CAP dans un lycée du 13e arrondissement. Selon une de ses sœurs il sèche beaucoup les cours, il est "connu des services de police pour des bêtises même des trucs un peu graves", en l’espèce une tentative d’extorsion aggravée et le tournage d’un clip avec une fausse arme, mais elle décrit son frère comme quelqu’un de "gentil et respectueux".
Le 11 novembre vers 19h00 les "PSO" se retrouvent au Gotham, un snack hamburgers-kebabs proche de leur quartier où certains ont leurs habitudes. Ils sont d’abord quatre puis dix. "On m’a demandé de venir au cas où ça dégénérerait" explique l’un d’eux face aux enquêteurs.
En garde à vue, les plus bavards corroboreront cette version tandis que d’autres affirmeront, au contraire, qu’ils ne savaient rien de ce qui se préparait. Un élément vient éclairer la connaissance du potentiel extrêmement dangereux de leur expédition. Autour de la longue table du Gotham, un des mineurs exhibe un très long couteau "au manche noir, plus grand qu’un hachoir à viande". Il faudra plusieurs auditions avant que la plupart des participants ne reconnaissent avoir vu l’arme.
L'effet de groupe a tout détruit sur son passage