Turquie : la colère monte après le meurtre d'une jeune femme
La Turquie est sous le choc et son gouvernement est sous le feu des critiques après le meurtre atroce d'une étudiante, violée, tuée et brûlée dans le sud du pays.

Le rétablissement de la peine de mort comme seule réponse à un crime atroce. La mort d'Özgecan Aslan, une étudiante de 20 ans violée, assassinée puis brûlée, a soulevé en Turquie une vague d'indignation qui tourne au procès contre le régime, celui-ci répliquant en évoquant un durcissement des peines.
Le Premier ministre Ahmet Davutoglu a promis une "large campagne contre les violences faites aux femmes" et de "briser les mains" de leurs auteurs. Certains de ses ministres ont ouvertement évoqué l'hypothèse d'un rétablissement de la peine de mort, abolie en 2004. La seule femme du gouvernement, la ministre de la Famille Aysenur Islam, a ainsi déclaré : "Non pas en tant que ministre mais en tant que femme et mère, je pense que les crimes de ce genre peuvent être punis de la peine de mort". Son collègue des Affaires européennes est allé plus loin :
Si la même chose arrivait à ma fille, je prendrais un arme et je punirais (l'agresseur) moi-même.
Volkan Bozkir, ministre turc des Affaires européennes
Depuis la découverte du corps de la victime vendredi près de Mersin, des milliers de personnes, femmes et hommes confondus, sont descendus dans les rues des grandes villes de Turquie pour exprimer leur colère et surtout dénoncer la recrudescence inquiétante dans leur pays des violences contre les femmes.
Le chef du principal parti d'opposition a attribué la hausse des violences faites aux femmes à la "morale" et la "mentalité" religieuses du Parti de la justice et du développement (AKP), qui règne sans partage sur le pays depuis 2002.
"L'AKP est arrivé au pouvoir en arguant que la moralité avait subi de gros coups (...) mais la démocratie et la morale ont perdu beaucoup de sang toutes ces années", a déploré dimanche Kemal Kiliçdaroglu, le président du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate).
Erodgan accusé d'avoir contribué à la hausse des violences
Le président Recep Tayyip Erdogan est un habitué des sorties polémiques sur les femmes. Récemment, il a ainsi estimé "contre nature" l'égalité homme-femme. Directement mis en cause, l'homme fort du pays a fustigé lundi ces critiques qui, a-t-il dit, "prennent plaisir à la mort de quelqu'un" et espéré que les assassins présumés de la jeune femme écoperaient de "la peine la plus sévère".
Le chef de l'Etat s'est également présenté en champion de la cause des femmes.
La violence contre les femmes est une plaie ouverte dans notre société (...) une rupture de la confiance de Dieu.
Recep Tayyip Erdogan
Une pétition en ligne réclamant une "peine exemplaire" contre les assassins présumés d'Özgecan Aslan avait reçu lundi près de 750.000 signatures.
Selon les associations féministes, les meurtres de femmes ont nettement augmenté ces dix dernières années pour atteindre près de 300 cas en 2014. Un autre rapport compilé par le ministère de la Famille a évalué à 40% la part des femmes victimes de violences de la part de leur mari ou d'un membre de leur famille.