Aujourd’hui je voudrais vous parler du 4 décembre 1977. C’est un dimanche ensoleillé. Il faut dire que nous sommes à Bangui en Centrafrique. Ce jour-là, Jean-Bedel Bokassa, se prend pour Napoléon Bonaparte et se sacre lui-même Empereur sous le nom de Bokassa 1er.
Cet ancien officier de l'armée française a pris le pouvoir par un Coup d'Etat en janvier 1966. Il s'est déjà auto-proclamé Président à vie, puis Maréchal, mais ça ne suffit pas à cet autocrate violent. Quelques mois avant, il décrit son futur couronnement, qu'il veut grandiose, à l'Ambassadeur de France.
Robert Picquet raconte cet entretien privé dans une dépêche envoyée le 27 octobre 1977 à Louis de Guiringaud, le ministre français des Affaires Etrangères. Alors que cet Empire Centrafricain est sans le sou, on nage dans la démesure et la mégalomanie la plus complète.
Le trône sera fait par Olivier Brice, un sculpteur français rencontré à l'époque par Michel Cohen-Solal pour RTL. Les chaussures, elles, sont signées Berlutti. En l'honneur du nouvel Empereur, on les appelle des Bokassins.
Il faut prévoir un avion Transall pour transporter le carrosse et ses chevaux blancs venus de Normandie pour le tirer"
Robert Picquet, ambassadeur de France
La couronne, commandée Place Vendôme est sertie de plusieurs milliers de diamants, émeraudes et rubis. La France, et en particulier son président, apporte son concours à cette folie. Valéry Giscard d'Estaing veut préserver ses relations privilégiées avec Bokassa.
Notre ambassadeur fait donc une liste de course. "Il faut prévoir", écrit-il dans une note manuscrite,"un avion Transall pour transporter le carrosse et ses chevaux blancs venus de Normandie pour le tirer. On enverra la musique de la Garde Républicaine".
Bokassa, qui a commandé 45 Mercedes en Allemagne, veut aussi 25 Citroën CX Prestige, 211 Peugeot, 69 Renault, etc... "N'est-ce pas trop ?" se demande notre Ambassadeur. Mais personne n'ose contredire ce Bokassa violent et imprévisible. "Bangui est le théâtre d'un spectacle tragi-comique", conclut notre diplomate qui décrit le verrouillage de l'opposition et les arrestations arbitraires.
Le 4 décembre, un long cortège traverse Bangui sous les yeux de l'envoyé spécial de RTL, Jacques Chapus. Puis Bokassa 1er prête serment, en parlant de lui, tel César, à la troisième personne. Le soir, un banquet fastueux est offert à 1.000 personnes. Les couverts sont en vermeil, la porcelaine de Limoges frappée d'un aigle d'or dans un soleil d'or et le gâteau, gigantesque, arrive directement de Paris.
Deux ans plus tard, la fête est finie. Avec l'aide des Forces spéciales françaises, l'ancien Président Dacko reprend le pouvoir. C'est l'exil pour l'ex-Empereur Bokassa. Il mourra d'une crise cardiaque en 1996.