TOUT SAVOIR SUR - Horaires atypiques, faible rémunération, sentiment d'utilité sociale… Qui sont les "invisibles" ?
PODCAST - La fondation "Travailler Autrement" a mené une vaste étude pendant deux ans auprès de 4.000 personnes qu'on appelle les "invisibles". Caissières de supermarché, infirmières, aides-soignantes, institutrices, livreurs à vélo, VTC, caristes dans les entrepôts... Ils sont 11 millions dans la population française sur 30 millions d'actifs.
On les appelait les premiers de corvée, la deuxième ligne, les essentiels pendant le Covid. Souvenez-vous, c'est eux et les soignants qu'on applaudissait tous les soirs à 20h. Ces "invisibles" représentent 4 salariés sur 10. On en connaît tous dans notre entourage : un personnel d'éducation, des femmes de ménage, des employés dans les entrepôts de logistique, des aides à domicile, etc.
Ces travailleurs essentiels cumulent les contraintes : des horaires de travail atypiques, une faible rémunération, une obligation de prendre la voiture, un sentiment de déclassement. "Ils ont cette vie sous contrainte en permanence. Le sentiment que ça peut basculer du mauvais côté tous les jours. Mais en plus, ils ont la capacité de voir la vie des autres. Donc ça crée une frustration et une colère qui sont telles que la société est en éruption permanente. Et ça ne peut pas continuer comme ça", explique Patrick Levy-Waitz, président de la fondation "Travailler Autrement".
Pourtant, malgré cette accumulation de contraintes, ce sont des métiers dans lesquels les "invisibles" déclarent une forte utilité sociale. "[Il y a un] fort sentiment d'utilité sociale, mais avec un décalage par rapport à leur satisfaction au travail et aux conditions de travail dans lesquelles ils les exercent. Donc ça c'est un point très important, ce décalage entre utilité sociale et reconnaissance du travail", précise Christine Erhel, économiste.
Une population hétérogène
Malgré ces facteurs communs, les "invisibles" restent une population hétérogène. Tous les profils ne se ressemblent pas. Certains "invisibles" ont un meilleur bagage éducatif, comme les instituteurs, tandis que d'autres exercent des métiers avec peu de qualifications. On peut notamment penser aux caissières.
"Ce n’est plus une classe ouvrière, ce n'est plus une catégorie sociale. C'est transversal à la société. Ce sont des gens éduqués ou des gens qui le sont un peu moins. Ce sont des gens qui sont dans les territoires autant que dans les quartiers difficiles. Vous les avez au centre des villes ou vous les avez partout. Ce sont des hommes et des femmes. Et donc on voit bien que c'est un sujet de fond et transversal à la société", détaille Patrick Levy-Waitz.
"Mais ce qui est commun, c'est qu'ils ont le même sentiment. Ils pensent de la même manière. Ces "invisibles" répondent grosso modo à toutes les questions de la même manière, de façon très différente par rapport à ceux qu'on appelle les préservés, le reste de la population française. Ça veut dire qu'il y a une communauté de destins entre eux. Et donc, ils réagissent aux événements, aux situations sociales, politiques, économiques, de la même façon. Et ça fait, au fond, un corps social particulier", ajouté Patrick Levy-Waitz.
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