Son futuriste, moteur thermique ou rugissement iconique : les secrets des bruits des voitures électriques

C'est un paradoxe : les voitures électriques doivent faire du bruit par mesure de sécurité pour alerter les piétons. Mais on est loin de nos habitudes sonores liées à l'automobile traditionnelle. Moteur thermique, rugissement de bolide iconique ou mélodie synthétique futuriste : les constructeurs ne manquent pas d'imagination pour composer les sons qui sont en passe de devenir la signature des voitures électriques.

Nous avons pris rendez-vous pour une expérience de pilotage inédite sur un circuit près de Paris à bord de la Hyundai Ioniq 5N aux côtés du pilote professionnel Anthony Beltoise. La marque a reproduit à l'identique le bruit d'une voiture sportive. Le bruit est 100 % artificiel mais bluffant de réalisme. "C'est hyper intéressant. C'est une vraie sensation sonore. Plus on accélère, plus ça fait du bruit. Ça suit les montées en régime. On a un son moteur, un son à l'échappement avec une petite déflagration quand on lève le pied. Quand on passe les vitesses, on a le son de la boîte de vitesse qui n'existe pourtant pas. C'est un pur gadget, mais c'est vraiment sympa", concède le pilote, séduit par l'expérience. 

Sans ce bruit, pas certain que les amateurs de sportives soient convaincus par l'électrique. Les constructeurs ont donc décidé de s'adapter. Ferrari a par exemple déjà déposé un brevet pour intégrer à ses prochains modèles électriques un système sonore qui va reproduire un moteur V12. Chez Hyundai, le son est un vrai enjeu, qui s'appuie sur toute une technologie et une réflexion. "Pour nos ingénieurs, l'idée était de redonner des sensations, retrouver des repères par rapport à la vitesse à laquelle on est en train d'évoluer. Il y a un côté sécurisant", estime Stéphane Godefroy, responsable marketing produit Hyundai France.

Les marques travaillent avec des professionnels du son

Pour savoir comment sont fabriqués ces sons, nous avons ouvert les portes du Technocentre de Renault dans les Yvelines, là où l'on conçoit les futurs modèles. Rendez-vous au centre de design sonore, un endroit à l'abri des regards, calfeutré, insonorisé, avec comme chef d'orchestre Laurent Worms.

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"Ce studio est composé de différents instruments de musique. On va chercher le bon synthétiseur qui va permettre de trouver la matière sonore qui va incarner la marque. Une fois qu'on a le son, on va trouver l'accord. Pour la séquence d'accueil d'Alpine, par exemple, on a utilisé des sons de vents alpins, l'ADN de la marque, et des bruits de glace naturels, avec des effets de distorsion et de modulation, qui donnent l'effet de stalactites qui viennent marquer l'entrée d'Alpine dans l'électrique", souligne l'expert.

Les constructeurs font appel à des compositeurs maison mais aussi extérieurs. Renault travaille avec l'Ircam, l'institut de recherche et coordination acoustique de la musique, et collabore avec Jean-Michel Jarre. Le célèbre auteur-compositeur a travaillé sur la nouvelle identité de la marque au losange que l'on peut entendre sur le dernier Scenic E-Tech et la nouvelle R5. "Les moteurs de voiture qui nous font rêver sont des voitures qui pétaradent. La voiture électrique n'est pas du tout dans cette logique. C'est la raison pour laquelle je suis parti dans quelque chose d'optimiste", explique le compositeur.

Une dimension écologique et responsable

En matière de réglementation, les constructeurs ont carte blanche pour le bruit intérieur. Mais des limitations s'appliquent pour le bruit extérieur. "Le son doit être suffisamment fort et perceptible pour être entendu et prévenir les piétons", résume Jean-Michel Jarre. Il y a aussi une dimension écologique. "C'est de la responsabilité des marques de se dire que ces sons des véhicules électriques doivent être réfléchis en pensant à l'écologie sonore. L'idée est d'avoir un peu de charge mentale pour les piétons qui vont être attentifs à ces sonorités. Même s'ils n'y font pas attention. Le design sonore doit être identifiable mais pas mémorisable pour ne pas générer de lassitude", analyse Bénédicte Le Nindre en charge du design sonore de Renault.

Le son devient une signature sonore. Bientôt, on pourra reconnaître chaque marque au bruit de ses voitures. On pourra peut-être à l'avenir personnaliser le son de sa voiture comme on le fait pour la sonnerie de son téléphone. Nous n'en sommes qu'aux balbutiements. Et en matière d'imagination et de création, nous ne sommes pas au bout de nos surprises.