Si elle n’est pas modifiée par le Sénat, ce sera la réforme du marché du travail la plus importante depuis trente ans. Le point-clé, c’est l’importance nouvelle que prend l’accord d’entreprise, négocié au sein d’une entreprise, entre patronat et syndicats. C'est un accord qui pourra prévaloir sur la loi. Pas sur tous les sujets quand même, mais en ouvrant des marges de souplesse importantes pour l’entreprise. C’est d'ailleurs ce qui met en fureur les syndicats comme la CGT ou FO, car c’est de facto l’arrivée d’un droit du travail décentralisé.
Dans le même ordre, il y aura la possibilité d’aménager le temps de travail non plus seulement quand l’entreprise va mal, mais aussi quand elle va bien, pour aller encore mieux, pour obtenir un gros contrat. Là encore, les syndicats craignent le la course au moins disant social.
Les licenciements seront-ils facilités, comme le craignent les manifestants ? On ne peut pas dire cela. Les critères du licenciement économique sont un peu précisés, mais c’est le juge qui reste souverain pour apprécier en cas de contestation. Le fameux barème des indemnités de licenciement ne sera qu’indicatif. Là encore, la justice reste souveraine. L’innovation c’est qu’un groupe international, s’il fait des profits dans le monde, ne pourra pas réorganiser ses activités en France, même si elles sont déficitaires, justement parce qu’il gagne de l’argent par ailleurs. Si cette disposition est maintenue, ce serait une aberration.
C’est une concession faite aux "frondeurs", qui risque de dissuader considérablement les investissements étrangers en France. Car en gros, un groupe étranger qui investit dans une usine chez nous ne pourrait la fermer, en cas de problème, que s’il est en faillite.
Les chauffeurs routiers ont-ils raison de redouter que leurs heures supplémentaires ne soient moins payées à cause de la loi El Khomri ? Objectivement, le risque existe. Car la loi prévoit que c’est justement l’accord d’entreprise s’imposera. En clair, une entreprise pourra négocier de ne payer les heures sup' qu’au minimum légal, c’est-à-dire avec une majoration de 10% de salaire, alors qu'aujourd’hui c'est plus. Le taux normal est de 25% pour les huit premières heures sup', et de 50% au-delà. Actuellement l’entreprise ne peut pas descendre en dessous d’un plancher fixé par la branche professionnelle.
Au total, c'est une loi favorable pour les entreprises. Le problème, c’est que ça se fait "à la française" : on assouplit les règles du marché du travail en les rendant parfois plus complexes encore, avec dérogations, des aménagements et des empilement. Il y a aussi cette disposition sur les investissements étrangers qui serait très dangereuse.
Le gouvernement met en valeur la contrepartie pour les salariés, le compte personnel d’activité. Cela ne vaut rien, c’est du pipeau ! Ce compte ne présente pas d’avantage nouveau, c’est de l’emballage de choses qui existaien