Son parcours, marqué du sceau familial et empreint de passion, est exemplaire.
En cuisine dès l'age de 5 ans aux cotés de son père Jean-Pierre Lallement (étoilé 18 ans durant), il fait son école hôtelière à Strasbourg avant de se former auprès des meilleurs de Roger Vergé (Mougins) à Alain Chapel (Mionnay), en passant par Michel Guérard (Eugénie-Les-Bains).
C'est en 1996 qu'il revient auprès de son père, à Tinqueux (Champagne).
Trois ans plus tard, il prend la direction des cuisines de l'Assiette Champenoise et obtiendra successivement 1 étoile (2001), une deuxième (2005) et enfin la troisième cette année.
Le cuisinier de l'année 2014 (Gault et Millau) revient sur son parcours et se dévoile.
Arnaud Lallement, d'où venez vous, quelles sont vos origines?
Arnaud Lallement: Moi c'est la Champagne, je suis né les pieds dans les vignes! Mon père était champenois et j'ai toujours habité dans cette région. J'ai fait un petit tour de France plus jeune mais ma vie reste en Champagne.
Racontez nous votre parcours.
A.L.: Depuis l'âge de 5 ans, j'ai toujours eu envie de faire ce métier. Je trainais dans les jambes de mon père, je l'accompagnais au marché, voir les producteurs, les maraichers, les pêcheurs quand nous allions en Bretagne. J'avais même ma chambre au dessus de la cuisine.
Vos parents vous ont intéressé très tôt à leur métier. Ils n'ont pas eu peur que vous ne voyiez pas autre chose et ont ils été contents que vous suiviez cette voie?
A.L.: Mes parents étaient heureux car cette envie venait de moi-même, ce n'est pas quelque chose qu'ils ont essayé de provoquer en moi. Le fait que l'on puisse partager cette passion, ce métier, pendant de nombreuses années était merveilleux.
Vous avez un parcours qui vous a emmené chez Roger Vergé, Alain Chapel et Michel Guérard notamment. Pourquoi être parti loin de votre région et pourquoi chez ces chefs précisément?
A.L.: Cela s'est fait assez naturellement car j'ai fait mon école hôtelière à Strasbourg. En sortant, je n'ai pas eu envie de revenir directement auprès de mes parents car ce n'est pas toujours évident de travailler avec ses parents, de tout apprendre avec eux. J'ai eu envie d'aller voir ailleurs, voir autre chose que ce qui se faisait chez moi, tant du point de vue culinaire que de l'organisation.
Avec le recul, aujourd'hui, je réalise que c'était extraordinaire de vivre cela et que sans eux, je n'en serai pas là aujourd'hui.
Partir chez Roger Vergé, Michel Guérard et Alain Chapel, c'était de vraies expériences, de réelles découvertes, une passion différente à chaque fois.
Roger Vergé était l'apôtre de la cuisine du sud, une cuisine aux antipodes de la cuisine que vous connaissiez.
A.L.: C'était très différent mais en même temps la cuisine est propre à chacun. Il ne faut pas aller chez les autres pour tenter de piquer une recette. Cela doit rester une source de découverte, d'inspiration, au niveau de l'organisation, de la présentation, mais la cuisine doit rester propre à chacun.
Je parlais du produit, du terroir différent. Je suis née dans le sud avec l'huile d'olive, le citron de Menton...De ce point de vue là, cela a été une découverte pour vous ou travailliez vous déjà ce terroir là à Strasbourg?
A.L.: Papa avait déjà travaillé chez Roger Vergé auparavant, il était chez lui quand ce dernier a obtenu sa deuxième puis sa troisième étoile donc il avait déjà cette attirance pour les produits du sud. Quand à mon tour j'y suis allé, je les ai réellement découverts. Ils font partie intégrante de ma cuisine depuis quinze ans.
Après Strasbourg et Roger Vergé, vous intégrez les cuisines de Michel Guérard dont on sait les aspects diététiques. Cela vous a donné une formation très complète, un des meilleurs passeports que l'on puisse avoir.
A.L.: A chaque maison c'est une grande découverte. Même encore aujourd'hui. Quand un jeune s'essaye à différentes maisons, il doit savoir être une éponge, absorber le maximum de ce qu'il peut apprendre, car chacune a ses caractéristiques.
De tous ces chefs chez qui vous avez fait vos armes, y en a t-il un (hormis votre père) qui vous a davantage marqué, à la manière de Joël Robuchon que de nombreux chefs désignent comme leur pygmalion?
A.L.: Non, j'ai essayé de prendre le maximum de chacun, de m'imprégner de leur passion. Aucun n'est comparable car ils sont issus tous trois de régions différentes, aux trois modes de vie très différents. La Côte d'Azur, la campagne, la grande ville...Tous trois avaient des points de vues très différents sur de nombreux sujets. C'était un choix délibéré de ma part d'avoir des expériences diversifiées. Je suis resté en admiration des trois jusqu'à aujourd'hui et encore demain, et après demain.
Vous revenez ensuite à l'Assiette Champenoise pour reprendre les cuisines de votre père. Comment qualifieriez vous votre cuisine et la façon dont vous la pensez?
A.L.: La saison me guide pour avoir une inspiration sur un nouveau plat. Le but est de se remettre à chaque fois en adéquation avec la saison actuelle. Par exemple l'asperge verte: comment aimerais-je la déguster aujourd'hui, comment ai-je envie de la préparer, de la recréer?
Tout a déjà été fait avec l'asperge mais quels sont les points que j'ai envie d'y apporter, quel est le champagne que j'ai envie de servir avec, à quel moment du repas la servir... Tous ces point là sont importants. Savoir ce qu'on va manger avec les asperges, avant, après, ce qui induit leur accompagnement.
Vous parlez du champagne. Vous avez une longue collaboration avec les maisons de champagne pour créer des accords avec vos plats. Y pensez vous au moment de leur élaboration?
A.L.: C'est une obligation car tous les plats de ma carte doivent pouvoir se marier avec un champagne. Si un convive choisit 8 plats à la carte et souhaite un champagne différent pour chacun, je dois pouvoir y répondre favorablement. C'est une réflexion vis-à-vis de ma région, de mes racines. Mes racines doivent se retrouver dans chacun de mes plats.
Première étoile à 27 ans, deuxième en 2005, troisième aujourd'hui. Quelle a été votre attitude quelques jours avant l'annonce, alors que la rumeur bruissait déjà?
A.L.: Cela a été une période difficile. J'ai pris l'avion pour les Etats-Unis quelques jours après que cette récompense fut annoncée sur un site, à une semaine de la fermeture du restaurant, et c'était finalement très bien d'être absent.
J'étais assailli d'appels, de mails, tout le monde me demandait une confirmation que je ne pouvais donner car je ne l'avais pas eue de la bouche du Michelin. C'est alors ma soeur qui a du tout gérer.
A mon retour, les tensions ont continué car, alors que certains comprenaient parfaitement que je ne puisse confirmer, d'autres ont eu une attitude désagréable. La délivrance a eu lieu quelques heures avant la sortie du guide quand le Michelin m'a appelé. Ce fut un très gros soulagement après quinze jours, car on ne peut y croire tant que ce n'est pas le Michelin lui-même qui vous l'annonce.
Cela doit être merveilleux pour vous, pour votre famille, au nom du devoir que vous avez du vous imposer vis-à-vis de votre père.
A.L.: C'est un pur moment de bonheur, c'est extraordinaire.
Cela fait également beaucoup de bien aux équipes.
A.L.: Ils ont les yeux qui brillent, des étincelles dans les yeux, c'est l'occasion de les féliciter, de leur dire merci. C'est grand.
Certains vivent l'obtention de la troisième étoile comme un aboutissement mais également comme une angoisse, peut-être la peur de la perdre...
A.L.: C'est la plus grande et la plus belle récompense, la satisfaction absolue, et le plus bel engouement pour la clientèle.
Mais il faut comprendre la finalité. Ce n'est pas un aboutissement, c'est un chapitre de plus. Il y a le chapitre de l'installation, celui de la conquête de la première étoile, celui de la 2ème, celui de la 3ème, et puis ensuite, reste à donner le maximum de soi-même le restant de sa vie. Cela reste le chapitre le plus long. J'ai 39 ans alors j'ai encore du temps! (rire).
C'est arriver à remettre un coup de manivelle tous les jours à ses collaborateurs, à sa cuisine, avec la clientèle.
C'est être à la hauteur du titre qu'on vous a attribué.
La conserver et se renouveler, avec une équipe galvanisée, donne toutes les envies et tous les pouvoirs.
A.L.: Exactement, c'est vrai que c'est top!!
Quel est votre produit fétiche?
A.L.: La langoustine royale de Bretagne. C'est pour moi LE produit d'exception, par sa fraicheur, son iode, sa finesse, sa chair.
De quelle manière aimez vous la travailler?
A.L.: Décortiquée à cru et dorée sur le dos uniquement.
Une gourmandise inavouable?
A.L.: Je n'en ai pas d'inavouables, je les assume toutes! Je suis un vrai gourmand, il n'y a pas à se cacher d'être gourmand (rires)!
Votre pêché mignon?
A.L.: Cela peut-être un morceau de fromage le lundi, un carré de chocolat le mardi, un fruit le mercredi, des asperges le jeudi...Le problème est là, j'ai des envies différentes selon les moments, le temps qu'il fait...Je ne me focalise pas sur une chose, ce n'est pas juste le produit, mais le moment qui l'accompagne, l'émotion.
Un plat qui vous rend nostalgique?
A.L.: Le homard aux pommes de terre de mon père, lié à plein de souvenirs avec lui et que j'ai remis à la carte il y a quelques années. Ce plat est lié aux souvenirs avec papa...
Le faisait-il à la carte du restaurant ou lors des diners familiaux?
A.L.: Il a commencé à nous préparer ce plat lors de nos diners puis l'a transformé en plat à la carte.
Un ami dans le métier?
A.L.: J'ai énormément d'amis cuisiniers, il m'est difficile de n'en citer qu'un. J'ai un ami très proche, vigneron de métier et appartenant à la maison de champagnes qui m'a fait avancer car il a une conception en même temps très famille et très pointue sur la qualité, le produit, la matière première: Olivier Krug.
Vous collaborez avec lui depuis 15 ans bientôt.
A.L.: Oui, il fait partie intégrante des personnes qui m'ont permis d'évoluer, qui m'ont apporté la maturité dont j'avais besoin pour en arriver où je suis aujourd'hui.
Qui invitez vous à la table de votre diner idéal?
A.L.: Ma femme et c'est déjà beaucoup car on a peu de temps pour se retrouver tous les deux. Mes meilleurs amis, les cuisiniers que j'admire, les vignerons également...c'est assez vaste, je ne sais pas si une seule table suffirait (rire)!
Un passe-temps qui vous prend beaucoup de temps?
A.L.: La cuisine. C'est ma passion, je ne pense qu'à ça!
Ce que vous achetez le plus?
A.L.: Champagnes et vins. ce sont vraiment des achats coup de coeur.
Votre dernier coup de coeur justement?
A.L.: Une paire de chaussures rouges, en sortant de la remise de prix du Michelin. C'était la journée rouge!
Votre prochain voyage?
A.L.: Avec l'obtention de la troisième étoile, ce n'est pas pour tout de suite (rire)!
Certainement à la fermeture de l'année avec un voyage aux Etats-Unis, à New York à titre personnel et en Floride à titre professionnel.
Si vous n'étiez pas chef, que seriez-vous?
A.L.: Vigneron. J'aurai adoré. Il y a tellement de parallèles avec notre métier.
La devise qui vous caractérise?
A.L.: L'amour. Je reste amoureux de beaucoup de choses, de beaucoup de produits, de ce que la nature peut nous donner. L'amour et la générosité font partie de ce qui me caractérise le plus.
Un cadeau que vous offrez souvent?
A.L.: Du champagne! Quand je vous dis que je suis hyper chauvin en champagne, je le suis (rires)! C'est le plus beau des cadeaux.
En boucle dans vos oreilles?
A.L.: Beaucoup de choses! U2 et les Rolling Stones le plus souvent.
Un livre de chevet?
A.L.: J'ai pris beaucoup de plaisir à lire la biographie de Steve Jobs, un grand homme parti de rien qui est arrivé à changer le monde, à modifier les comportements, avec une vraie volonté, une vraie passion, qui mettait beaucoup de coeur dans ce qu'il faisait.
Votre refuge?
A.L.: Mon bureau, le seul endroit où on peut encore fumer le cigare (rires)!
Votre moteur?
A.L.: La passion. Sans passion, on ne peut avancer.
Dans 10 ans, où se donne-t-on rendez vous?
A.L.: Dans ma cuisine j'espère!
L'Assiette Champenoise, 40 Avenue Paul Vaillant Couturier, 51430 Tinqueux
Tél: 03 26 84 64 64
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