C'est choquant et incompréhensible. Cela n'est pas nouveau que la finance vive sur sa planète. Mais jeudi 8 janvier, la déconnexion a semblé particulièrement spectaculaire. Les marchés financiers ont une hiérarchie de l'information et des valeurs biens à eux.
À leurs yeux, les propos d'un responsable de la Banque centrale américaine ont davantage d'importance que l'attentat d'il y a deux jours. Ils tremblent devant des choses qui nous semblent secondaires. Ils ne bougent pas un cil devant des événements d'une violence inouïe.
En fait, ils ne s'intéressent qu'à ce qui impacte directement les cours boursiers et l'argent.
On a quand même vu des crises boursières causées par le terrorisme. C'est vrai lorsque l'on pense que les attentats peuvent perturber la vie économique. Cela a été le cas, par exemple, après les attentats dans les transports de Madrid, en 2004, comme cela l'avait été auparavant après le 11 septembre 2001. La Bourse de Paris avait alors perdu plus de 7%. C'est la troisième plus forte baisse de l'histoire du CAC 40.
De nombreuses personnalités ont parlé d'un "11 septembre français", à propos de l'attentat de Charlie Hebdo. La Bourse n'a pas pour autant réagi. C'est à la fois comparable et très différent. À New York, c'était le capitalisme lui-même qui était visé, et Wall Street en particulier, les tours attaquées étaient au cœur du quartier financier. La Bourse avait dû être suspendue plusieurs jours, à cause des destructions physiques.
Lorsqu'on l'a remise en service, le lundi qui a suivi, c'est Hillary Clinton, sénateur de New York, et Rudolf Giuliani, le maire de la ville, qui ont fait sonner la célèbre cloche pour donner le coup d'envoi des cotations. Aux États-Unis alors, le symbole de la résistance au terrorisme, c'était le redémarrage de la Bourse.
Les valeurs politiques ou humanistes se conjuguaient avec les valeurs boursières, il faut vraiment être aux États-Unis pour voir cela. Même si les auteurs des attentats, à New York en 2001 et à Paris en 2015, sont animés par le même fanatisme sanglant. Les uns visaient symboliquement un système économique dominé par les États-Unis. Chez nous, c'est l'esprit de liberté qui a été visé.
Parmi les victimes de l'attentat de Charlie Hebdo figure Bernard Maris, qui était le chroniqueur économique du journal. Parmi ses innombrables textes et ouvrages, figure l'un des meilleurs livres : Capitalisme et pulsion de mort.
Le sujet est très original : les liens intellectuels entre le grand économiste du XXème siècle John Maynard Keynes, et le fondateur de la psychanalyse, Sigmund Freud. Il montre bien que ces deux géants se sont influencés mutuellement. Il montre bien aussi qu'à la base de l'économie, il y a la psychologie, le fonctionnement de l'animal humain.
Ce qui est troublant, c'est que ce livre parle de deux personnages qui ont vécu dans l'entre-deux-guerres, et qui ont connu à la fois le krach de 1929 et s