Les modes de consommation évoluent. Certains Français ont changé leurs habitudes après une prise de conscience, un scandale sanitaire ou alimentaire. D'autres ont simplement de nouvelles exigences. La multiplication des plateformes de vente en ligne (Amazon, Vente-privée...) oblige également les grands groupes de la distribution à adapter leur offre et leur classification des consommateurs.
Les distributeurs doivent repenser leur stratégie afin de ne pas perdre leur leadership sur le marché. À la rentrée scolaire 2017, Leclerc a présenté son "Observatoire des nouvelles consommations", commandé à Ipsos, dans lequel les Français sont classés selon leurs habitudes, plus ou moins politisées, d'achat.
Cinq catégories ont ainsi été établies. Elles ne répondent plus à la classification selon l'âge du client ou sa situation socio-économique mais à un ensemble de vecteurs. Ces nouveaux consommateurs sont : "Les prétendants" (20%), "individualistes, climatosceptiques", "matérialistes", "aiment exhiber leur réussite" ; "Les assiégés" (25%), "contraints budgétairement", "prudents et méfiants" ; "Les mécènes" (18%), "altruistes", vigilants à "l'engagement social et éthique des marques", "moins individualistes que la moyenne" ; "Les changeurs" (11%), "militants", "aspirent à un nouveau modèle de société", écologistes, situation financière "confortable" ; "Les créatifs" (26%), "égocentrés", "consomment par plaisir", attirés par la nouveauté, souvent des jeunes parents.
Assurer la vitalité de l'enseigne
Michel-Édouard Leclerc, PDG de Leclerc
C'est ainsi que Leclerc classe désormais les consommateurs français car "les vieilles typologies ne correspondent plus aux réalités", constate Michel-Édouard Leclerc, PDG de l'entreprise homonyme rencontré par RTL.fr. Il explique que la marque a voulu "analyser les modes de consommations à travers tous les comportements, et pas seulement le ticket de caisse", soulignant que les classifications des clients se font d'après des critères plus sociaux qu'avant.
"Le consommateur dit quelque chose de sa vision de la société à travers son achat", résume Michel-Édouard Leclerc, dont l'entreprise s'apprête à devenir leader du marché. Cette étude doit lui permettre de le rester, être "utile pour la société" et surtout "assurer la vitalité de l'enseigne". Leclerc a voulu "remettre en cause les certitudes forgées". Selon lui, le consommateur "n'attend pas une réponse toute faite mais il veut avoir le choix. Il entend décider".
Chez Carrefour, on se targue d'avoir été "précurseur" sur la question et de répondre aux nouvelles demandes depuis plusieurs décennies. "Cela fait plus de 20 ans que l'on vend de gammes bio ou sans OGM, se félicite ainsi Hervé Gomichon, directeur qualité et développement durable chez Carrefour joint par RTL.fr. Je crois sincèrement qu'en politique interne, on a un quart d'heure d'avance, c'est notre ADN de toujours avoir été en avance sur les attentes du marché". Et d'ajouter : "Le marché évolue, à nous d'y répondre en anticipant", estimant que la qualité a la priorité sur le prix depuis longtemps.
Leclerc réplique. Pour son PDG, depuis des années, les groupes "ont décidé eux-mêmes de la réponse". Une réponse qu'il juge "segmentée". "Nous aussi, on avait répondu comme ça, avec des marques bio et vegan" mais, à présent, Leclerc a changé sa stratégie et veut "laisser exprimer les choix" du consommateur plutôt que de décider à sa place. Pour Grégory Caret, responsable de l'Observatoire de la consommation à UFC-Que Choisir contacté par RTL.fr, cette initiative, si elle ne lui paraît pas nouvelle, est "une bonne chose pour les consommateurs". Et de valider la thèse selon laquelle Carrefour "a été le premier à avoir cette réflexion".
Il ne faut toutefois pas s'attendre à une révolution soudaine en rayons. L'évolution s'est faite lentement dans la société et s'installe à son rythme en magasins. En dehors des services comme le drive adopté par plusieurs marques, à commencer par Auchan, Leclerc va notamment "réinvestir sur l'humain comme présence, comme conseil, comme repère, et réinvestir dans la compétence", détaille Michel-Édouard Leclerc. Il assure à RTL.fr que, depuis 5 ans, Leclerc crée 3.000 emplois par an et 3.500 pour 2017.
La deuxième solution est appliquée au niveau de "la pratique de l'enseigne" : "Le consommateur va chercher à aller dans une entreprise pour son action de mécénat ou les propos de son dirigeant. L'image et ce que fait l'entreprise par ailleurs. C'est l'engagement citoyen de la marque qui va être impacté". C'est donc au niveau supérieur que ces changements vont s'opérer, dans la stratégie du groupe face à des problématiques plus larges.
Chez UFC-Que Choisir, si on applaudit la démarche, on alerte tout de même sur ce qui peut "ressembler à une opération marketing" qui va engendrer des "nouveaux packagings, des nouvelles marques" et donc "des nouveaux prix". "Ça va servir au marketing, oui, mais c'est pour nous, répond Michel-Édouard Leclerc. Ça va servir aux directeurs de magasins, pour nos chefs de rayons, ces études vont se traduire par des plans d'action". D'autant que le PDG souligne que "ça coûterait cher de faire cet observatoire juste pour de la publicité".
Mais l'association de consommateurs tranche : "De toute façon, l'objectif numéro 1 c'est de vendre plus de produits, il n'y a pas de bienveillance derrière. Leclerc a intérêt à trouver une meilleure réponse si elle veut que les consommateurs restent fidèles à leur marque. C'est vrai partout".