Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin qualifie la réforme de la police judiciaire de "difficile, indispensable et courageuse". Cela fait plusieurs semaines que la grogne monte. Dernier épisode en date, le limogeage du chef de la PJ marseillaise. Ses équipes avaient manifesté leur mécontentement lors de la visite du directeur général de la police nationale la veille.
Concrètement, il s'agit de réorganiser la police judiciaire non plus en sept grandes zones géographiques, comme c'est le cas aujourd'hui, mais département par département. La réforme propose de créer dans chaque département une "filière investigation", où la police judiciaire en charge des enquêtes les plus complexes de meurtres, de proxénétisme, de braquages, serait regroupée avec les policiers de la sécurité publique en charge de la délinquance du quotidien, mais aussi avec la police aux frontières. Des services qui pratiquent effectivement l'investigation mais pas à la même échelle. D'une manière générale, il s'agit de mutualiser les moyens humains et matériels de ces services sous une même direction départementale, elle même dépendante du préfet.
Selon les défenseurs de la mesure, les expérimentations de cette réforme dans plusieurs départements français semblent montrer des effets bénéfiques. Il n'y a qu'un seul interlocuteur par département pour l'ensemble des services de la police nationale au lieu d'avoir la PJ, la sécurité publique et la police aux frontières séparés. Le fait d'avoir une seule direction départementale devrait permettre d'aller plus vite pour coordonner les enquêtes. Ce directeur unique aura en outre une vision d'ensemble de ce qu'il se passe dans les différents services.
Le but est donc qu'il y ait un meilleur échange des informations, des techniques et des moyens entre ces différents types de polices au sein donc d'une même filière investigation.
Difficile pour les policier de la PJ d'accepter que l'on réforme leur institution d'élite vieille de 107 ans. Eux qui sont spécialisés dans le grand banditisme craignent de se retrouver noyés par la gestion de la délinquance du quotidien, par le maintien de l'ordre. Ils ont peur de devenir interchangeables, car la PJ viendrait épauler les forces de sécurité publique qui croulent sous les dossiers de petites et moyennes délinquance, sur les problèmes de deal, de vols ou de violences volontaires par exemple.
Les policiers de la PJ ont une crainte : ne plus avoir ni le temps ni les moyens suffisants pour s'occuper de la grande criminalité. Concrètement, ce sont des enquêtes tout aussi concernantes pour vous et moi que celle qui concerne la délinquance du quotidien. Par exemple, s'il n'y a pas d'enquêtes sur les grands réseaux d'importations de cannabis, difficile de lutter contre le point deal en bas de votre immeuble.
Ensuite, ces policiers craignent le cadre départemental imposé par la réforme, qu'ils jugent trop petit. Les réseaux criminels sur lesquels ils enquêtent dépassent ces frontières départementales. Enfin, cette réforme prévoit que ces nouveaux services de police départementaux dépendent du préfet. Policiers comme magistrats craignent l'intervention croissante du politique dans les enquêtes en cours. Et donc une perte d'indépendance, où finalement certains dossiers pourraient être relégués par rapport à d'autres, notamment les enquêtes financières. C'est en tout cas la crainte des professionnels du secteur.
Pour le moment, un recul sur la réforme n'est pas vraiment à l'ordre du jour. Gérald Darmanin l'a d'ailleurs rappelé : elle doit s'appliquer progressivement dans le courant de l'année prochaine. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les premières étapes de la réforme ont déjà été amorcées. Une expérimentation a lieu en ce moment dans plusieurs départements, en Savoie, dans le Pas-de-Calais ou bien en Martinique et en Guadeloupe. Pas de recul prévu à ce stade, même si plusieurs syndicats de policier demandent un moratoire, c'est à dire un délai pour afin de discuter du contenu de la réforme avant son application.
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