Les fraudeurs ne pourront plus se repentir ! Le 31 décembre prochain, Bercy va fermer le "Service de traitement des déclarations rectificatives" (STDR), la fameuse cellule qui permettait de régulariser les exilés fiscaux. Créée sous le quinquennat de François Hollande, elle aura été ouverte pendant quatre ans et son bilan est plutôt flatteur.
Chaque agent qui a travaillé dans ce service a rapporté 40 millions à l'État. Cette cellule nichée dans un discret hôtel des impôts parisien pour garantir l'anonymat des exilés repentis, a coûté 31 millions en frais de fonctionnement et faisait travailler 200 agents des impôts. Mais elle a permis de rapatrier 32 milliards d'euros d'avoirs cachés à l'étranger et a rapporté 8 milliards d'euros en pénalités à l'Etat. Il s'agit d'une véritable poule aux œufs d'or.
Annoncer la fermeture du guichet, peut booster les rentrées fiscales à court terme
Martial You
La cellule ferme probablement pour deux raisons principales. D'abord, l'annonce de la date de la fermeture au plus tard en 2018 avait été faite par Christian Eckert à un moment où le gouvernement avait besoin de faire rentrer un peu d'argent dans les caisses. Annoncer la fermeture du guichet, crée un effet d'aubaine chez ceux qui voulaient régulariser leur situation et peut ainsi booster les rentrées fiscales à court terme.
Ensuite, l'État enclenche à
partir de cette année, ce qu'on appelle "l'échange automatique des données bancaires". Notamment avec la Suisse. Une nouvelle disposition qui prendra du temps à se mettre en place et qui permettra à l'Etat français de ne plus avoir à traquer
les français qui ouvrent des comptes à l'étranger. L'information lui sera automatiquement communiquée. Inutile dans ce cas d'accorder des mesures
dérogatoires, autant appliquer l'intégralité des amendes.
En toute sincérité, je crois surtout qu'on avait à peu près fait le plein de tous les petits exilés fiscaux qui pouvaient revenir au pays au bout de ces quatre ans. On a quand même réussi à traiter 51.000 dossiers de Français qui se dénonçaient au fisc et qui bénéficiaient d'une amende minimum et qui n'étaient pas poursuivi pénalement.
Du menu fretin. Ceux qui sont des professionnels de l'évasion fiscale continuent de se promener à bord de "l'omnibus" : c'est le nom que l'on donne à des montages fiscaux à base de faux noms et d'entreprises écrans qui vont de pays en pays pour y cacher l'argent.
On a vu revenir des gens qui n'avaient pas des sommes énormes
Martial You
Ce service des impôts, on l'avait baptisée la "cellule de dégrisement", comme si l'exil fiscal avait un parfum d'ivresse. J'ai rencontré certains de ces 51.000 "repentis", comme si on parlait d'anciens membres de la mafia.
La plupart vivaient dans la peur de se faire prendre... Ils traversaient la frontière pour aller retirer un peu d'argent liquide en Suisse et au Luxembourg la peur au ventre. Ils avaient souvent hérité d'un compte caché. Cette cellule leur a permis de régulariser une situation qui les mettaient très mal à l'aise.
Parfois, ce sont les banques étrangères elles-mêmes qui les avaient poussé à faire la démarche auprès de la France. Mais on a vu revenir des gens qui n'avaient pas des sommes énormes... 51.000 dossiers pour 32 milliards rapatriés, cela représente 627.451 euros en moyenne par cas. Alors, bien sûr, tout n'a pas encore été traité et même si plus de 600.000 euros, paraît une grosse somme, c'est dérisoire quand on parle d'évasion fiscale.
Il faut vraiment poursuivre l'effort d'harmonisation et de clarification
Martial You
On évoque 60 à 80 milliards
d'euros qui s'évaporent chaque année à cause de l'exil fiscal. C'est le budget de l'Éducation Nationale.
Deux fois le budget du Logement si on veut faire un clin d'œil à Julien Denormandie. Mais c'est assez ambigu si on
parle des comptes publics. C'est comme si l'État avait fait une croix dessus,
donc tout l'argent qui revient est à mettre en plus dans le budget.
La vérité par rapport à la
fiscalité internationale, c'est qu'il faut vraiment poursuivre l'effort
d'harmonisation et de clarification qui a été entamé depuis la crise de 2010.
Et notamment en direction des entreprises pour ramener un peu d'équité. La France veut investir 10
milliards dans un fonds qui doit financer le développement des industries du
numérique et du digital.
Si on veut rétablir une concurrence saine et développer les économies nationales
Martial You
Je ne suis pas en train de vous dire qu'il faut supprimer l'optimisation fiscale qui est légale. Je veux dire que le vrai problème
est là : si on veut rétablir une concurrence saine et développer les économies
nationales. On a longtemps cru que la
mondialisation et le digital pouvaient rendre les entreprises apatrides. On
découvre de plus en plus que ce sont les capitaux qui voyagent et que leurs
ports d'attache sont liés aux taux d'imposition.
Mais les entreprises, elles, sont
locales. Amazon est d'abord une entreprise logistique de livraison de colis, Uber peut saturer la circulation à New York, AirBnB peut chambouler la
politique immobilière de Paris. Les entreprises sont locales ET mondiales. Il faut que leurs impôts soient
équilibrés pour que la seule concurrence puisse faire la différence.