"J'ai réussi à enlever tout ce qu'il y avait de laid dans cette profession", répétait Madame Claude. La "mère maquerelle" qui voulait "rendre le vice joli" est décédée à Nice lundi 21 décembre à 92 ans. Dans les années 60 et 70, sa maison de prostitution du XVIe arrondissement recevait les grands de ce monde, des hommes politiques aux diplomates en passant par les industriels. Les confidences recueillies sur l'oreiller par ses "filles" ont fait trembler la République.
Derrière ses allures de bourgeoise avec ses cheveux courts et son tailleur Courrèges, Fernande Grudet de son vrai nom était d'origine modeste. Dans un livre autobiographique intitulé Madam et signé "Claude Grudet" (1994), elle s'inventait un père ingénieur et trois frères. Elle est née à Angers le 6 juillet 1923 et a été élevée dans un monastère de visitandines après la mort de son père. Fille-mère dans les années 50, elle est montée à Paris où elle a pris le nom de "Claude" pour monter son entreprise de prostitution de luxe dans son hôtel particulier de la rue Boulainvillers, près de bois de Boulogne.
Cette discrète maison de rendez-vous, aux douze chambres cosy, servait à une clientèle de têtes couronnées, de ministres ou encore de banquiers. Les filles étaient quant à elle recrutées selon des critères bien précis : "Les jeunes femmes étaient obligées d'apprendre certaines choses, de parler d'une certaine manière et d'éviter certains sujets. Je n'avais pas de clients qui maltraitaient les filles ou qui leur parlaient de manière péjorative".
Tellement fasciné, le Chah d'Iran faisait venir des filles par avion jusqu'à Téhéran. Un pianiste new-yorkais calait pour sa part ses dates de concert sur l'emploi du temps de sa favorite. Parmi les habitués, on retrouvait aussi le président américain John Fitzgerald Kennedy et l'industriel italien Giovanni Agnelli. Sans le savoir, Madame Claude aura ainsi inventé l'escorting de luxe, avec la bienveillance des autorités. Beaucoup de légendes lui survivront sur ses clients français.
"Elle a fini par devenir une légende vivante", écrit dans Le Point Jean-Noël Mirande qui l'avait rencontrée il y a deux ans. Son histoire a même inspiré un film érotique à Just Jaeckin en 1977. Madame Claude était incarnée par Françoise Fabian.
Puis viennent les années Giscard, son ministre de l'Intérieur Michel Poniatowski et la fin de la gloire. À partir de 1976, le juge Jean-Louis Bruguière s'attaque à son réseau de prostitution et le fisc lui réclame 11.000.000 de francs. Elle s'envole alors pour Las Vegas pour échapper à la justice. De retour dix ans plus tard en pensant qu'il y a prescription, elle est arrêtée et passe quatre mois à la prison de Cahors. À sa sortie elle tente de revenir aux affaires mais, "sans doute balancée par la concurrence", écrit Jean-Noël Mirande, les sanctions tombent. Elle se retrouve de nouveau derrière les barreaux, à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis cette fois, pour proxénétisme.
"Plus de vingt ans après la fin de ses déboires judiciaires, elle vivait recluse dans le Midi où elle touchait une modeste retraite et louait un petit appartement", écrit le journaliste du Point. Elle voulait désormais profiter de la Riviera, de l'anonymat et se réconcilier avec sa fille, ce qu'elle n'a pas réussi à faire. L'émission Un jour, un destin diffusé en 2011 avait bousculé ses plans. Laurent Delahousse y dressait un portrait à charge d'une manipulatrice. Mais elle a préféré rester à l'écart des plateaux télés. "Madame Claude n'avait plus rien à vendre. Ses souvenirs, elle les a publiés dans la mesure de ce qui était publiable. Les autres, elle les garde pour elle".
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