Le cashless est-il vraiment un avantage pour les festivaliers ?
ENQUÊTE RTL - Le cashless s'est imposé dans les festivals français car plus pratique pour les organisateurs. Les festivaliers n'y trouvent pas forcément leur compte.

Cet été, le cashless (paiement sans espèces) était de tous les festivals. Tous les grands événements proposaient cette solution de paiement rapide et, surtout, sans espèces. Les spectateurs l'ont de nouveau utilisée au Pitchfork Festival qui s'est déroulé du 27 au 29 octobre à Paris.
Si elle n'est pas totalement nouvelle en 2016, cette pratique s'impose petit à petit à tous les festivaliers comme unique moyen de transaction. Depuis plusieurs années déjà, les festivals cherchent à limiter la présence d'espèces sur leur site, pour diverses raisons d'organisation et de gestion.
Le cashless permet également de faire gonfler les marges des festivals, d'après les sociétés qui proposent ces solutions. Dans la majorité des cas, un euro est demandé au consommateur pour accéder au système. Le fait de ne pas avoir d'espèces pousse à la consommation, tout comme le fait de moins attendre au bar. Ce dernier point figure d'ailleurs souvent en bonne place dans l'argumentaire déroulé par les festivals à leurs visiteurs.
S'il y a un avantage purement pratique, le passage au cashless est mal vécu par de nombreux festivaliers. "On ne te laisse pas le choix", "ça pousse à la consommation", "ça ne réduit pas vraiment l'attente", "c'est un sketch pour se faire rembourser", "c'est un moyen pour faire dépenser plus" et, surtout, nombre d'entre eux pointent pour RTL.fr une "démarche loin d'être transparente".
Pour Rock en Seine - qui a fait le choix du 100% cashless cette année -, faire consommer plus "n'est pas la perspective du festival". Du côté de Paypal, on concède bien que les organisateurs "voient leur consommation augmenter". Selon eux, ce phénomène ne s'explique pas "parce que les gens consomment plus" mais "parce qu'ils sont plus nombreux à consommer". Entendez qu'avec les transactions fluidifiées, les visiteurs seraient plus nombreux au bar. Chez Weezevent, prestataire de service pour les organisateurs d'événements, la parole est plus directe : "Forcément, ça pousse à la consommation". Il s'agit même de l'un de leurs arguments de vente auprès des festivals. Et de renchérir : "Pour les festivaliers, l'avantage est moindre (...) les vrais avantages sont du côté des organisateurs", explique à RTL.fr Pierre-Henri Deballon, cofondateur et président de Weezevent. D'autant que le festivalier "n'a souvent pas le choix. C'est imposé". C'est l'une des plaintes qui ressort le plus dans les doléances des usagers.
Pour les festivaliers, l'avantage est moindre (...) les vrais avantages sont du côté des organisateurs
Pierre-Henri Deballon, président de Weezevent
Si certains festivals mettent l'accent sur le côté aléatoire du chiffre d'affaires (CA), dû à la météo ou la programmation, d'autres concèdent qu'ils ont vu une hausse de leurs revenus. C'est le cas de La Route du Rock qui révèle à RTL.fr une augmentation de 10 à 30% de son CA par rapport à l'an dernier. Une hausse qui ne peut toutefois pas être attribuée uniquement à la solution de payement. Et Alexandre Jaillon, directeur associé de We Love Art (Peacock Society et We Love Green) d'insister sur les "bénéfices du cashless qui profitent à l'ensemble des participants".
Chez certains directeurs de festival, le cashless n'est pas forcément bien vu. Depuis plusieurs années maintenant, Le Cabaret Vert refuse cette solution qu'on lui propose tous les ans. Cet événement du Grand-Est bat sa propre monnaie, le bayard, depuis des années et n'a jamais vu l'utilité d'en changer. La première raison est "une question de philosophie, explique à RTL.fr Jean Perrissin, responsable développement durable et qualité du festival. On n'a pas trouvé en quoi le cashless pouvait être un vrai outil pratique pour le festivalier, c'est plutôt une contrainte, voire un flicage".
Ça fait des sous en plus
Alexandre Jaillon, directeur associé de We Love Art
S'il comprend "l'intérêt côté organisateur", lui-même en tant que visiteur de festival a trouvé "que ça avait un côté intrusif et restrictif en terme de liberté. On nous l'impose et en plus, on nous le fait payer !" Le côté "flicage" réside, selon lui, dans les données enregistrées à chaque passage en caisse. Pas nécessairement les données personnelles des utilisateurs mais des données globales sur l'historique de consommation. À quel moment les festivaliers ont-ils consommé ? Vers quelle scène ? Quelle boisson ? Et surtout, cette question qui subsiste une fois les portes de l'événement fermées : que devient l'argent non récupéré par les utilisateurs ? "Le remboursement est indispensable", répond We Love Art En revanche, ce qui n'est pas réclamé "entre dans les caisses du festival. Oui ça fait des sous en plus".
Une gestion des flux monétaires simplifiée
Pour comprendre les enjeux du cashless, il faut bien assimiler que les sociétés qui proposent ces solutions (Paypal, Weezevent...) s'adressent à leurs clients. Ces derniers ne sont pas les consommateurs mais les festivals eux-mêmes. Le cashless vise donc à simplifier la vie des organisateurs de festivals. Le principal atout de cet outil serait une simplification au niveau de la gestion.
Le cashless permet "des flux monétaires plus pratiques et rapides", explique par exemple à RTL.fr François Floret, directeur du festival La Route du Rock qui a adopté cette solution pour la deuxième année consécutive en 2016. En effet,gérer des stocks de pièces et billets est très compliqué d'un point de vue logistique, en plus d'être peu sécurisé. "Il y a déjà eu plusieurs cas de détournements d'argent", témoigne-t-il. Un autre système de paiement sans retour de monnaie, par carte ou bracelet, rend le vol impossible. Le calcul de la TVA est également simplifié car la déclaration se fait en temps réel. Plus besoin de refaire les comptes dans les jours qui suivent la clôture de l'événement.
Les organisateurs expliquent aux festivaliers que le cashless facilite leurs paiements, les sécurise et réduit leur temps d'attente au bar. Et certains festivals de mettre en avant les retours positifs de leurs visiteurs après une première tentative. Comme Rock en Seine, qui affirme haut et fort que ses usagers ont trouvé le système "plus simple, plus sécurisant, plus rapide et facile d'utilisation", selon Sarah Schmitt, directrice adjointe et responsable de la mise en place du cashless, jointe par RTL.fr. Certains utilisateurs, notamment lors du festival parisien Weather, ont livré leurs impressions à RTL.fr. Les commentaires positifs existent : le cashless permet de "réduire l'attente au bar", de pouvoir "recharger sa carte avant" puis de se faire rembourser la somme restante à la fin, permettant de ne pas avoir à prendre du liquide ou sa carte bancaire sur soi. Par expérience, nombreuses sont les personnes selon lesquelles "il n'y a rien de moins pratique que le cash en festival".
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