La "mort en direct" de deux journalistes agite la presse
REPLAY - Le double-meurtre perpétré en Virginie ou le sort tragique des "migrants" devenus "réfugiés" illustrent le monde "obscène" décrit par Claude Cabanes, décédé à 79 ans.

L'assassinat de deux journalistes en direct à la télévision américaine fait la une de la presse ce matin. "La mort en direct" titre Le Parisien/Aujourd'hui en France, avec en photo la journaliste en pleine interview juste avant d'être abattu, sa dernière seconde de vie. L'image utilisée est une capture d'écran, diffusée en boucle hier sur les chaines de télévision américaines.
Le journal Le Monde appelle ça "le voyeurisme involontaire". Son site internet consacre un article à cette polémique née dès hier , polémiques sur ces images choquantes que "nous avons choisi de ne pas diffuser" précise l'article. L'image du meurtre de la journaliste et de son cameraman en direct a en revanche été diffusée toutes les heures par la chaine CNN.
Sur internet ce sont les réseaux sociaux Twitter et Facebook qui se sont retrouvés au centre des critiques à cause de leur fonction Autoplay. Une fonction qui fait que les vidéos publiées par les internautes se lancent automatiquement sans qu'il y ait besoin de cliquer sur un bouton et sans avertissement préalable. Si vous aviez échappé à la rediffusion des images du direct, quelques minutes plus tard apparaissaient sur internet la vidéo tournée par le tueur lui même et posté sur son compe Twitter qui a été bloqué au bout de 5 minutes mais la vidéo avait eu le temps d'être copiées. Le journal Le Monde a constaté dans le même temps que sur Youtube les images de la tuerie étaient mises en ligne 2 fois par minute. Elles ont été supprimées cette nuit.
Deux autres
images de l'Amérique sont également visibles dans les journaux ce matin. D'abord le visage de cette femme que vous avez forcément vu le lendemain
du 11 septembre 2001, c'est l'une des photos les plus célèbres du 11 septembre. Elle errait dans les ruines du World Trade Center, recouverte de poussière,
on l'avait même surnommé "The Dust Lady", la dame de poussière.
Elle avait réussi à quitter la tour nord dans laquelle elle travaillait au 81 ètage. Marcy Broders, 28 ans au moment des attentats, elle est morte hier d'un cancer de l'estomac. Elle avait 41 ans et avant de mourir elle s'est interrogée sur un lien entre les attentats et son cancer. Le Huffington Post raconte son histoire ce matin.
Une autre histoire de
l'Amérique, un autre visage, en une de Libération : la photo géante de Donald Trump, "le cauchemar américain". 4 pages sur le candidat à
la primaire républicaine qui fait la course en tête dans les sondages. Raciste invétéré, égotiste vantard et misogyne, et même... "connard laqué" écrit
Libé.
Trump a un problème capillaire notoire: des cheveux jaunasses hyper-fins et surlaqués qu'il persiste à conserver plutôt long avec une mèche qui au moindre coup de vent lui donne l'allure d'un psychopathe. Et s'il y avait "un dingue à la maison blanche?" se demande Libé.
Al Jazeera et la "catégorie humiliante" des migrants
Une autre question
lancinante dans la presse ce matin, question posée aussi hier par Nicolas Domenach hier sur RTL à propos des migrants. Migrants ou
réfugiés? C'est la chaine Al Jazeera qui la première avait
annoncé il y a quelques jours qu'elle n'utiliserait plus le mot de
migrants. Courrier International
publie le plaidoyer de la chaine qatarie. "Imaginez un peu. Un
matin comme les autres, vous réveillez vos enfants, vous leur préparez le petit
déjeuner et vous les aider à s'habiller. Maintenant, imaginez que pendant
ces préparatifs, vous savez que vous allez bientôt devoir aider vos enfants à
enfiler un gilet de sauvetage pour ensuite monter avec eux dans une
embarcation de fortune. Quelle serait votre réaction si cette expérience
était ensuire réduite à un seul mot , vous reléguant vous et votre famille dans
la catégorie humiliante des migrants. Parler de migrants c'est refuser
d'écouter la voix de ceux qui souffrent.
Le journal Le Monde
raconte lui que ce débat agite aussi l'Allemagne, le Royaume Uni et
surtout l'Italie, où il a longtemps été question de clandestins,
voire de "vucumpra"... mauvaise prononcations de la formule vuoi comprare, tu
veux acheter ? Formule dite par les vendeurs à la sauvette étrangers. Le
changement sémantique s'est opéré après le voyage du pape a lampedusa en
juillet 2013. Migrants le mot est
en une du Figaro qui choisit de s"intéresser à " la nouvelle brêche
des balkans. Mais dans son édito, Yves Thréard parle de réfugiés et
surtout pour lui il est urgent de distinguer tout ceux qui fuient la
guerre et ses horreurs, des autres candidats à l'exil, sans
papiers en quête d'une vie meilleure.
Hommages à l'orateur Claude Cabanes
Question aussi
sur notre passivité face à ces réfugiés, sur ce silence gêné de la classe
politique dans une france timorée, comme l'écrit Pierre Fréhel dans le Républicain Lorrain, "Tournés vers 2017, les cadors de
la scène nationale donnent l'impression de se préoccuper bien davantage du
développement de leur petite boutique". Et
Le Monde d'enfoncer le clou en citant Alain Bergougnioux: "Si Jaurès avait
été là, il n'aurait pas accepté qu'une cause humaine comme celle-là ne concerne
pas le parti socialiste".
Mais que voulez vous, on ne porte pas tous en soi " la flamme de la révolte, intacte
et pure comme le diamant, ". ça ce sont les mots de Claude Cabanes, ancien
directeur du journal fondé par Jaurés. L'Humanité rend hommage ce matin à ce "bretteur de plume et éternel révolté" que les auditeurs de RTL
connaissaient bien, lui qui officiait dans "On Refait le Monde" depuis 12 ans. Claude Cabanes s'est éteint mardi soir. Notre cabane, écrit Joseph Macé Scaron dans Marianne qui rend hommage à sa voix, chaude
et rocailleuse. Il avait l'art de redonner des couleurs au passé à coups
de grandes claques. Et l'Huma de citer d'autres mots de Claude Cabanes "Selon le dictionnaire robert , est obscène ce qui présente un caractère très
choquant en s'exposant sans atténuation avec cynisme." Que ce soit les meurtres
en direct à la télé, ou les vagues de réfugiés que l'on ne sait plus comment
appeler, il avait tellement raison, nous vivons donc dans un monde
obscène.