Jean-Luc Petithuguenin est à la tête de Paprec, le leader français du recyclage. Peu connu du grand public, il peut être considéré comme un chef d'entreprise visionnaire. Couronné de succès d'un point de vue des affaires, avec sa société de 4.500 salariés qui génère 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires, ce patron est précurseur sur un sujet sensible : la religion en entreprise. Bien avant le "guide pratique du fait religieux dans les entreprises privées" qui a été dévoilé lundi 7 novembre par le ministère du Travail, Jean-Luc Petithuguenin avait fait adopter en 2014 dans son entreprise une charte de la laïcité que tout salarié doit signer à l'embauche. Celle-ci interdit toute manifestation religieuse au travail. Aujourd'hui, cela reste inédit à l'échelle d'un groupe aussi grand.
"C'est une charte qu'on a adopté tous ensemble. On a fait une cinquantaine de débats sur la laïcité. Tous les représentants du personnel, les délégués syndicaux et tous les gens non représentés ont voté communément. On s'est tous mis d'accord pour dire que ce serait bien de faire comme cela", raconte Jean-Luc Petithuguenin, invité de RTL le 8 novembre.
Dans son entreprise, il n'est donc pas autorisé de porter un voile religieux et il n'y a pas non plus la place pour des salles de prière pour quelconque religion. "Si vous en mettez une, il en faut pour toutes les autres religions possibles", explique Jean-Luc Petithuguenin qui confie que des salariés musulmans lui ont expressément demandé de ne pas "autoriser" de salle de prière, par crainte qu'elle soit dominée "par les plus fanatiques".
Ce combat pour la laïcité, Jean-Luc Petithuguenin affirme le mener non seulement "au nom de l'intérêt économique" mais aussi pour lutter "contre les discriminations, le racisme et l'antisémitisme". Il constate d'ailleurs que cela n'est pas seulement une bataille personnelle mais aussi une demande de ses salariés. "De façon très paradoxale, et c'est ça que j'aime dans cette histoire, les gens vont nous dire : 'la laïcité, on y croit'. Les travailleurs immigrés, de façon tout à fait étonnante, sont passionnés par la laïcité française (...) On ne réalise pas assez le besoin de laïcité exprimé notamment par des gens qui viennent d'autres pays", affirme le PDG.
Convaincu que la "laïcité protège les croyants modérés et combat les croyants fanatiques", Jean-Luc Petithuguenin ne saurait dire cependant si son modèle peut être appliqué dans l'espace public. "Je n'y ai pas suffisamment réfléchi", reconnaît-il avec humilité. Il est néanmoins certain que son expérience ne peut être que bénéfique pour le monde de l'entreprise en général : "La laïcité, c'est le complément d'objet direct de la fraternité. Il y a quelque chose de formidable dans l'entreprise où l'on est frères pour faire une mission ensemble. Dans 'liberté, égalité, fraternité', on oublie souvent fraternité. La laïcité, elle aide à cette fraternité. En entreprise, on le ressent vraiment. Vous vous fichez de savoir la couleur du gars qui est à côté de vous, parce que vous êtes en train de faire une tâche ensemble".