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Jihad : la confession d'un "imam autoproclamé", recruteur en prison

Sous un faux nom, Christopher s'ouvre à "Street Press" et raconte ses années de radicalisation, en tant qu'"imam autoproclamé".

La prison Lille-Annoeullin (illustration)
La prison Lille-Annoeullin (illustration)
Crédit : Sarah ALCALAY/SIPA
Ana Boyrie
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C'est en 1997 que Christopher (dont le prénom a été changé) est emprisonné pour meurtre. Fraîchement majeur, il se retrouve dans un établissement en région parisienne, où résident les plus grands criminels. Pour la première fois, cet ancien prisonnier radicalisé se confie au site Street Press. Lors de ses années carcérales, le jeune homme a radicalisé de nombreuses personnes, en tant qu'"imam autoproclamé". "Les surveillants m’appelaient Ben Laden… J’en ai retourné des cerveaux", débute-t-il.

À son arrivée, Christopher se radicalise au contact des "frères du GIA (Groupe Islamique Armé), des mecs des attentats du RER B", qui lui permettront de "vivre dignement". Les imams lui apportent une aide matérielle, étant "liés à des filières extérieures qui leur font passer de l'argent par mandat postal sous le nez de la prison", explique-t-il.

Un confort qui ne fera qu'intensifier sa radicalisation. Il retire les meubles de sa cellule, installe des tapis, et placarde les murs de photos d'Oussama Ben Laden. Une cellule qui est rapidement devenue une salle de prière. Christopher refuse également l'installation de la télévision. "La télé, c'est haram. Les femmes nues et la propagande occidentale, c'était pour te pervertir dans ta foi", raconte-t-il. 

L'islam, un instrument au service de la radicalité

Né d'un père algérien et d'une mère italienne, la famille de Christopher n'est pas particulièrement religieuse. Néanmoins, ayant été scolarisé dans un lycée coranique, il parle et écrit l'arabe, en plus de connaître une bonne partie du livre saint. Dans le milieu carcéral, "les gens ne connaissent rien à l'islam, indique-t-il. Si tu connais quatre versets, tu es le roi du pétrole". C'est alors qu'il s'autoproclame imam et devient un repère : "Tu deviens un Dieu pour le gars. Un Dieu qui l'aide à tenir".

Ce "retourneur de cerveaux" n'hésite pas à utiliser le Coran pour servir son discours. "Tout est question de rhétorique. Tu prends le Coran et tu sors les phrases de leur contexte historique, tu omets des versets", rapporte Street Press. Une façon de faire qui ne semble pas perturber les fidèles dont il s'est progressivement entouré. "T'as le livre saint en main, tu connais les pages par cœur, qu'est-ce que tu veux que le type en face objecte ?", poursuit-il. 

Des prisonniers déshumanisés qui retrouvent une famille

Ces personnes mises au placard peuvent facilement passer du statut de caïd à celui de proies esseulées. C'est le cas de Karim Mokhtari, enfermé à la prison d'Amiens pendant six ans, des années qu'il raconte dans Rédemption, Itinéraire d'un enfant cassé. "Au-delà de la dimension financière, ça faisait du bien d'être entouré. La violence institutionnelle de la prison est telle que l'on se sent déshumanisé, explique-t-il. J'étais devenu un numéro, le 23.136. Je m'en souviendrai toute ma vie". 

L'imam guide Karim et ses camarades, comme lorsqu'il lui somme de ne plus fumer. Rapidement, cette petite communauté devient une famille de substitution. Christopher démontre, quant à lui, une réelle emprise psychologique, qui passe notamment par des entraînements "paramilitaires" quotidiens. Mais très vite, il devient incontrôlable : "On se promenait à quinze en djellaba. Les surveillants appelaient notre étage 'Bagdad'", confie-t-il. 

Tout se termine par une brûlure au 3e degré et un coma

Est-ce la preuve que la radicalisation n'est pas un point de non retour ? Toujours est-il que Christopher décroche progressivement. Selon Street Press, les surveillants décident en 2003, de l’envoyer une nouvelle fois au trou. Il décide alors de manifester son mécontentement et met feu à son matelas. Malheureusement, personne ne vient pour le sortir. 

Christopher est alors asphyxié et ses jambes brûlées au troisième degré. Le détenu tombe dans le coma pendant 6 mois. Il y a un an, Christopher profite d’un aménagement de peine pour se réinsérer et trouve un travail à mi-temps comme assistant-metteur en scène. Aujourd'hui, l'ancien prisonnier se dit "anarchiste athée". 

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