Intempéries dans le Pas-de-Calais : les commerçants à la rescousse des habitants
REPORTAGE - Dans le Pas-de-Calais, des petits commerçants tiennent à garder leurs boutiques ouvertes pour ravitailler les habitants, victimes des intempéries.
Au moins 250 communes sont concernées par les crues et les inondations dans le Pas-de-Calais. Parmi elles, la commune de Neuville-sous-Montreuil, où le calvaire se prolonge pour les 700 habitants. Isolé, le village est coupé des autres depuis jeudi. Les entrées principales de la commune sont sous l'eau, à plus d'1,20 mètres. La quasi-totalité des routes sont bloquées. Il ne reste que quelques magasins pour nourrir et réchauffer les cœurs de ceux qui sont restés dans le village. Des commerces qui tiennent à garder leurs portes ouvertes coûte que coûte, malgré la situation.
Ces commerçants sont majoritairement situés rue de Montreuil, l'une des zones les plus inondées de la commune. C'est là que ce situe la boucherie de Jean-Paul, à quelques mètres seulement des dernières maisons évacuées. Devant la boutique, il y a encore 60 centimètres d'eau. "Si ça monte de 20 ou de 30 (centimètres), je n'ai plus de groupe (électrogène)". Sans électricité, il ne pourra pas utiliser ses frigos. Son chiffre d'affaires a déjà été divisé par quatre en une semaine.
Pourtant, quand on lui demande s'il compte fermer boutique, même pour quelques jours, Jean-Paul fronce les sourcils. Il faut continuer à être là pour les habitants : "Les gens de Neuville ils n'ont plus rien. Alors si il n'y a pas de viande, plus rien pour manger... moi j'ai un tracteur, donc je peux passer", justifie-t-il.
Pour se faire livrer samedi, il est allé en tracteur, et a tout transporté dans "des caisses et des cartons". "Mais aujourd'hui, je n'irais plus : c'est trop haut", explique-t-il en désignant le niveau de l'eau. Jusqu'ici, c'était le système D, mais maintenant impossible de savoir quand ni comment ce boucher sera réapprovisionné.
Les denrées viennent à manquer
Dans la seule supérette de la commune, les étagères se vident. Isabelle, la propriétaire, est inquiète : cela fait déjà quatre jours qu'elle n'a pas été livrée. "Le beurre manque. L'eau, c'est pareil. Je n'ai plus de couches pour enfants. On commence à être dévalisés", détaille-t-elle. "On reste ouverts, mais il faut qu'on soit réapprovisionnés : qu'est ce que je vais leur vendre, si je n'ai plus de beurre, plus de lait, plus d'eau ?"
Même constat chez la boulangère, Stéphanie : "Là, il n'y a pas grand chose. Quelques croissants, des pains au chocolat", dit-elle en désignant sa vitrine. "On produit beaucoup moins, parce qu'on ne sait pas combien de temps ça va durer. Il faut économiser", et ainsi éviter la fermeture. Surtout que les clients comptent sur ces commerces pour se nourrir, mais aussi pour discuter.
"On a besoin de proximité, de ce lien, parce que c'est aussi chez les commerçants qu'on peut retrouver les voisins", explique une cliente. "C'est un lien de sociabilité hyper important".
La boulangerie avait ouvert il y a seulement deux ans. "Malheureusement notre chiffre d'affaires est beaucoup plus bas ces jours-ci. Cela nous inquiète, car nous avons des salariés, que l'on a mis en repos, mais il faut se dire qu'on a des factures, comme tout le monde. On a un prêt : est-ce qu'à la fin du mois on va pouvoir tout payer ?"
Des frites pour réchauffer les coeurs
À Blendecques, près de Saint-Omer, la ville a fait venir un camion à frites hier soir, afin de proposer un repas chaud aux habitants. La friterie a été prise d'assaut par les sinistrés. Dans la file d'attente, Hervé et Annick, qui ont passé les 48 dernières heures sans pouvoir manger un repas chaud. "J'aime bien les frites, moi !", s'exclame Hervé, tout en commandant une saucisse.
Derrière les fourneaux, Aurélien gère la double cuisson des 300 kilos de pommes de terre. "On est là pour leur apporter notre soutien, pour les réconforter avec les frites. Parce que la frite c'est le Nord, et si il n'y a pas de frites dans le Nord, t'es pas dans le Nord", sourit le cuisinier.
Petits et grands repartent avec une merguez, une fricadelle ou encore une saucisse, une petite barquette de frites : un repas offert par la commune. "Nos sinistrés avaient besoin d'un peu de chaleur", estime l'adjoint au maire de Blendecques, Vincent Maquignon. "Un bon repas chaud, c'est un bon remontant pour le moral".
Normalement, il n'y aura pas de pluies conséquentes dans les Hauts-de-France aujourd'hui, mais la pluie pourrait revenir dès demain lundi.
