Intelligence artificielle : quel impact sur l'environnement ? Jean-Marc Jancovici répond

À l’heure du sommet parisien sur l’intelligence artificielle, il est temps de se demander quel impact cet outil va avoir sur l'environnement. On entend souvent que le digital va rendre les choses plus efficaces, ce n'est pas propre à l'IA, parce qu’on estime pouvoir faire mieux, moins abîmer l'environnement, pour faire la même chose.

On peut faire un petit exercice de pensée sur le digital dans son ensemble. Imaginons que demain matin, il n'y ait plus un seul ordinateur qui fonctionne, donc plus aucun compte en banque, plus une transaction, plus de communication, probablement plus d'eau, etc. Dans ce monde-là, l'économie s'effondre et les émissions avec.

Aujourd'hui, l'idée que le digital dans son ensemble est quelque chose qui fait économiser de la pression sur l'environnement est fausse. C'est une partie de l'huile dans la machinerie mondiale qui permet au contraire de consommer la planète un peu plus vite. L'intelligence artificielle ne fait donc pas exception. C'est un développement supplémentaire là-dedans.

L'IA n'est pas faite pour sauver l'environnement

Une définition de l'intelligence artificielle dit que tous les développements informatiques pas encore aboutis permettent de faire le buzz et d'alimenter les fantasmes, parce qu'une fois que c'est abouti dans quelque chose, ça s'appelle une application, ça ne s'appelle plus l'intelligence artificielle. Ainsi, l'intelligence artificielle n'est pas faite pour sauver l'environnement, ce n'est pas du tout fait pour ça.

Quelque chose qui fait de la reconnaissance d'images, ce n'est pas non plus fait pour sauver l'environnement. Mieux encore, dans le domaine des industries extractives, le fait de mieux gérer les données va plutôt permettre de faire sortir plus de pétrole et plus de cuivre. 

Donc l'idée qu’il n'y a qu'à laisser l'intelligence artificielle se développer et que ça va diminuer la pression sur l'environnement est fausse.

Une question économique

Cet argent investi dans l'intelligence artificielle sera autant d'argent pas dépensé ailleurs. En effet, les pays du Golfe annoncent qu'ils vont dépenser des dizaines de milliards dans l’IA en France. Alors pourquoi la France ? Parce que le pays a plein d'électricité en ce moment : il a exporté, l'année dernière, 90 milliards de kilowattheures électriques, soit autant d'électricité qu'il pourrait consommer chez lui s’il en avait l'usage. La France a aussi beaucoup d'ingénieurs, ce qui intéresse particulièrement les investisseurs étrangers. 

Donc, ils vont piquer nos ingénieurs, piquer notre électricité et faire des larges modèles de langage qui ne vont pas éviter qu'on ait trop chaud sous les combles l'été, qui ne vont pas ressusciter les abeilles, qui ne vont pas empêcher le niveau de l'océan de monter, qui ne vont pas créer des hectares de terre, qui ne vont pas rendre les pesticides inoffensifs… 

Sur les grands problèmes de ce monde, ça va essentiellement servir à amuser des gens qui n'ont pas d'autres problèmes dans la vie que de s'ennuyer un peu, mais ça ne va pas changer grand-chose. Alors que cet argent, on le voit bien avec les discussions budgétaires du moment, fait cruellement défaut pour que le pays ait une agriculture plus respectueuse de l'environnement, pour qu'il isole les logements, pour qu'il rende service aux gens qui n'ont pas beaucoup d'argent, leur permettant de se déplacer sans voiture à pétrole, etc. Donc, il y a une question d'allocation des ressources avec cette ruée sur l'intelligence artificielle qui continue d’interroger.

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