Grégory Allione, colonel des sapeurs-pompiers : "On ne peut pas s'engager pour les autres si on ne les aime pas"

"J’ai vécu dans un petit village, où mon papa était pompier volontaire. Tout naturellement, j’ai suivi les pas de ce père qui partait déjà au feu, au feu de forêt essentiellement, puisque c’était le centre Var". Le colonel des sapeurs-pompiers Gregory Allione, commandant du Service d’incendie et de secours des Bouches-du-Rhône (SDIS 13), évoque les étés de son enfance, et cette vie rythmée par les coups de Mistral. Désormais, c’est tout le département qui est placé sous sa protection. Une population dense et de grands centres urbains, mais aussi des sites industriels, comme l’étang de Berre, ou et des joyaux du patrimoine, tels les Baux-de-Provence ou la Sainte-Victoire. "C’est un territoire d’exception, avec des gens d’exception, le berceau de la Provence", souligne celui qui aime profondément sa région.

Silhouette de marathonien, accent chantant, Gregory Allione était formé au management après une école de commerce. Mais il a découvert que commander des hommes dans des situations de stress est un long apprentissage. "Il faut aimer les autres. On ne peut pas s’engager pour les autres si on ne les aime pas. Je dois vous avouer que jeune officier, je n’étais pas comme ça, forcément. Mais à force de se prendre quelques gifles, on devient meilleur", souligne-t-il.

Apprendre à vivre avec les drames

Quelques années en cabinet ministériel à Paris ne l'ont pas détourné de cet attachement au terrain, ainsi qu’aux femmes et aux hommes qu’il encadre. Au fil de la conversation, les souvenirs affluent, comme celui de la nuit du 31 août au 1er septembre 2003, où trois sapeurs-pompiers décèdent au cours d’une intervention dans le massif des Maures. "C'est la nuit. Un seul mauvais phare éclaire les yeux de la troupe qui me regarde. Au fur et à mesure que j'annonce les choses, les yeux brillent de plus en plus", se remémore-t-il.

Grégory a appris combien l’attention aux autres est une qualité essentielle dans ses fonctions. "Cette notion du vivre ensemble conditionne la réussite de l’opération et le fait qu’on n’ait pas de regret ou de remords, qu’on ne puisse pas se dire 'il n’est plus là et on s’était disputé la veille'". Un pompier doit apprendre à vivre avec les drames, mais il ne s’y accoutume pas, confie Grégory Allione, qui revit souvent des situations, se remémore des odeurs quand il passe à certains endroits.

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"On ne se soigne jamais de ces images-là. On ne s'aguerrit pas, on ne se guérit pas de ces blessures", dit-il. Ce père d’une petite fille ne peut s’empêcher de faire des associations d'idées quand des enfants sont en cause. "Plus on vieillit, plus on est sensible à ces choses-là", avoue-t-il.

Exigence avec soi et avec les autres

Mais les succès donnent aussi toute leur valeur à son engagement. Lui revient la joie éprouvée ce 14 juillet 2015 avec son équipe, lorsqu'ils parviennent à éteindre un incendie criminel dans un bac d’hydrocarbure sur l’étang de Berre. "Ce qu'on fait au quotidien pour arriver à ce résultat-là n'est pas vain. Il faut continuer à être exigeant avec soi-même et avec les autres. Et puis savoir dire aussi merci à ceux qui ont permis de contribuer à ce résultat-là".

Cet été, Grégory Allione ira marcher sur le GR20, avec son épouse et des amis, dans la montage corse, qu’il a survolée lors de grands incendies. Il espère y voir les chevaux sauvages qu'il avait alors aperçus d’hélicoptère.

Portraits de personnes qui sont passionnées par leur métier et savent transmettre cette flamme : un colonel des sapeurs-pompiers, une sage-femme, ou encore un facteur d'instruments de musique, pour citer quelques exemples...