Françoise Brié, 15 ans de terrain auprès des femmes
RENCONTRE - La directrice générale de la Fédération Nationale Solidarité Femmes explique à "Girls" la mission de son association, à l'origine du 3919, le numéro d'écoute dédié aux femmes victimes de violences sexistes et sexuelles.

Elle n'est pas une figure connue de la sphère publique. Pourtant, Françoise Brié est une femme de terrain qui, chaque fois que vous la croisez, a une histoire à vous raconter. Un soir de novembre, alors que nous animons avec elle un débat sur le sujet des violences sexistes et sexuelles, son téléphone sonne au moment d'une courte pause. La directrice générale de la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) échange quelques mots indistincts puis raccroche avec un sourire.
À l'autre bout du fil, on vient de lui annoncer qu'une femme, victimes de violences conjugales, séparée de ses enfants depuis plusieurs années, a enfin pu les retrouver au prix d'une bataille en partie menée contre son conjoint et avec la Fédération Nationale Solidarité Femmes. Souvent, ces victoires contre les violences débutent avec un coup de téléphone passé au 3919.
Le 3919, un numéro d'urgence indipsensable
Ce numéro d'urgence est national, dédié à toutes les femmes victimes de violences mais aussi à leur entourage et aux personnes professionnelles concernées de près ou de loin par ces problématiques très sépcifiques. Tous les appels, il est important de le rappeler, sont anonymes, gratuits et peuvent être passés du lundi au dimanche. Sans le 3919, de nombreuses victimes resteraient murées dans le silence ou n'auraient pas trouvé de solution à leur situation urgente.
"Une femme a appelé le 3919, où elle a été orientée vers l’Escale Solidarité Femmes, un lieu d'accueil dans le département des Hauts-de-Seine (92) où elle a pu être reçue et suivie hors hébergement", raconte encore Françoise Brié. "Elle attendait la sortie d'incarcération de son conjoint. L’association a pu la mettre en sécurité dans un hébergement, avant de lui obtenir un logement", ajoute la directrice de la FNSF.
L'histoire de cette femme illustre la mission de la Fédération : accompagner les femmes à toutes les étapes de leur parcours, grâce à "une coordination entre le 3919, l'Escale mais aussi les services de police et le juridique", détaille Françoise Brié, une femme engagée sur le terrain depuis une quinzaine d'années.
L'engagement
"J'ai commencé à m'intéresser à la question des femmes et des droits fondamentaux à l'étranger, lors de missions d'enquête que j'effectuais en particulier au Moyen-Orient", raconte Françoise Brié à Girls. "J'ai été sage-femme et de fait, mes premières activités professionnelles ont été dans le cadre de la santé maternelle et infantile", poursuit alors la directrice de la FNSF.
Comme la gynécologue Ghada Hatem, fondatrice de la Maison des Femmes, c'est après avoir observé les inégalités en Orient que Françoise Brié s'interroge sur la France avec un focus sur les violences.
Les premiers pas dans le monde associatif
"J'ai décidé de quitter mon métier de sage-femme et de m'impliquer, il y a quinze ans, dans une association". Françoise Brié arrive à donc à l'Escale (aujourd'hui fusionnée avec Solidarité Femmes) dans le 92 jusqu'à occuper le poste de directrice générale de la FNSF depuis juillet 2017.
Les missions de l'association, rappelle Françoise Brié, sont l'écoute, l'accompagnement et la délivrance de conseils aux femmes mais aussi le travail à la déconstruction des stéréotypes sexistes tout comme la prévention des violences.
Les lois ne sont pas toujours appliquées, il y a une vraie disparité entre les départements
Françoise Brié, directrice générale de la FNSF
Sur le terrain depuis presque deux décennies, la militante affirme qu'il y a aujourd'hui "une vraie prise en compte de l'ampleur des violences mais aussi de leur lien avec les inégalités et les stéréotypes. Ce n'est pas encore ancré dans la société mais il y a une évolution positive avec des lois et la mise en place de politiques publiques", explique Françoise Brié.
La FNSF, comme de nombreuses associations défendant les droits des femmes, est toujours dans l'attente d'une loi contre les violences sexistes et sexuelles. Elle devrait être présentée à la fin du mois de mars devant le Conseil des ministres par Marlène Schiappa, secrétaire d'État en charge de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Malgré tout cela, les obstacles restent majeurs : "les lois ne sont pas toujours appliquées, il y a une vraie disparité entre les départements et les mentalités doivent encore évoluer sur la prise en charge des enfants dans les cas de violences conjugales", détaille la directrice de la FNSF avant de souligner, enfin, que les missions des associations restent des "sous financements".
Les enfants, des victimes sous-estimées
Les enlèvements d'enfants sont aussi le quotidien de la FNSF. "Certains ont été soustraits à leur mère, alors qu'elles ont été victimes de violences et que ces violences ont été reconnues", raconte Françoise Brié. "D'autres ont été enlevés par le père pour se venger, c'est une nouvelle forme de violences très difficile à supporter", assure la militante qui voit passer au sein de la FNSF des femmes issues de tous les milieux sociaux.
"Elles ont en général plus de 25 ans, ont déjà vécu quelques années de violences avec leur conjoint. Souvent, elles ont une situation économique moins favorable que celle de leur conjoint. La question de l'autonomie financière et économique est importante pour pouvoir sortir de la violence", explique Françoise Brié avant d'insister également sur l'importance d'un soutien professionnel.
L'avenir du 3919
Tout comme à la Maison des Femmes, les structures de la FNSF sont saturées. "Cela veut dire qu'elles sont connues mais aussi que ces équipes devraient être renforcées pour recevoir plus de femmes et mieux les accompagner".
Selon Françoise Brié, "il faut aussi améliorer les articulations entre tous les différents partenaires sur le terrain qu'il s'agisse de la police, des services de justice ou de santé", explique la directrice pour qui, enfin, il est important de développer des structures de santé "pour que les femmes aient des lieux où aller en toute facilité".
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