Enquête sur le carnet caché d'un déporté, 80 ans après la Seconde Guerre mondiale

Dans la petite ville de Cahors (Occitanie), une collecte ordinaire a abouti à une découverte extraordinaire en octobre 2023. Un bénévole d'Emmaüs, en triant des objets récupérés, a mis au jour un carnet singulier caché dans le tiroir d'une machine à coudre.

Immédiatement transmis au musée de la Résistance, ce carnet est devenu le point de départ d'une enquête historique menée par deux chercheurs déterminés, Enzo Delpech et Charlotte Leroy, tous deux âgé de 24 ans, chargés de retracer le parcours de son propriétaire à la direction du patrimoine de la ville de Cahors.

Le carnet, d'une dizaine de centimètres de long, est enveloppé dans une couverture en aluminium, témoignage palpable de son passé tourmenté. Les pages jaunies par le temps révèlent des écritures soigneusement préservées, dépeignant un récit émouvant de l'histoire de Paul Duval, un résistant français décédé en 1945 dans le camp de concentration de Flöha. 

Des recettes de cuisine écrites au crayon

Duval, originaire du Mans, a laissé derrière lui un récit précieux de son parcours à travers les camps d'internement et de concentration. Parmi les annotations du carnet, une découverte inattendue a particulièrement attiré l'attention des chercheurs : plus d'une centaine de recettes de cuisine, du sucré au salé, semblent témoigner des échanges entre détenus. 

Le livret ne contient aucun récit de la vie dans les camps, mais plutôt une liste d'environ cent recettes de cuisine partagées avec ses codétenus, dont 25 noms sont mentionnés dans le carnet, des déportés qui étaient principalement des chefs. "Des métiers de bouche : boulangers, pâtissiers, restaurateurs, hôteliers", raconte Enzo Delpech. "C'est quand même émouvant, on peut imaginer qu'ils se retrouvaient dans leur baraquement, qu'ils listaient les recettes", ajoute-t-il.

Cassoulet, quiche lorraine, pot-au-feu… Les deux jeunes chercheurs affirment que les recettes ont été écrites au crayon sur des feuilles où des mots en allemand ont été imprimés. Il est possible que les feuilles aient été volées au camp de travail de Flöha, qui est dépendant de Flosenbürg. 

Des mystères à résoudre...

Malgré les progrès réalisés dans la recherche, de nombreuses questions demeurent concernant les initiales sur la couverture du carnet, sa provenance et son parcours. Les chercheurs s'interrogent sur les circonstances qui ont conduit cet objet précieux à se retrouver dans le tiroir d'une machine à coudre à Cahors. Charlotte Leroy partage l'ampleur de la tâche : "C'est un travail sans fin, mais c'est fascinant et surprenant !"

Les deux chercheurs n'ont pas encore découvert les raisons de la déportation de Paul Duval. Ils estiment que l'individu faisait partie de la résistance, notamment du convoi qui a été envoyé à Auschwitz le 27 avril 1944, qui était l'un des seuls convois de non-Juifs qui ont été envoyés au camp de la mort. Il était composé principalement de résistants arrêtés dans toute la France.

Le carnet de Paul Duval sera bientôt exposé au sein du futur musée de la Résistance, de la Déportation et de la Libération du Lot, il s'agira d'une opportunité de raconter l'histoire des résistants français pendant la Seconde Guerre mondiale. Enzo Delpech et Charlotte Leroy présenteront leurs découvertes lors d'une conférence le 23 avril 2024 à l'hôtel de Ville de Cahors, les participants auront un aperçu du processus de la recherche historique derrière cette découverte exceptionnelle mais tout de même "un peu perturbante", confie Charlotte Leroy auprès de l'AFP.

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