Quand on lui a proposé de commencer à recevoir des enfants transgenres, dans la première consultation dédiée à l’hôpital Robert Debré, la psychiatre Anne Bargiacchi ne s’y attendait pas. Jusqu'ici, elle était spécialisée dans la prise en charge des troubles alimentaires chez les jeunes et s'intéressait assez peu aux questionnements sur le genre.
D’ailleurs, en 2013, le sujet
de la "dysphorie de genre", les personnes qui se sentent malheureuses dans le
genre qui leur a été assigné à la naissance, est encore assez peu connu. Et
parfois même caricaturé. Depuis, Anne Bargiacchi a reçu en consultation une centaine d'enfants concernés par ces questionnements.
Dans le podcast Symptômes, elle explique combien chaque parcours est à examiner avec prudence et précaution. Lors du premier entretien avec l'enfant et sa famille, elle s'efforce toujours de "définir les besoins" et surtout "d'élargir l'horizon des possibles". Car non, ce n’est pas parce qu’un enfant âgé de 6-7 ans se plait à changer de genre dans ses jeux, ses rêves et ses comportements sociaux, qu’il entamera une transition à l’âge adulte.
"Parfois, l'idée de ce qu'on pense possible quand on est dans cette
situation-là peut être très parcellaire et très caricaturale. On peut penser en
effet que, si un enfant exprime une transidentité ou un questionnement sur le
genre, eh bien ça veut dire que l'étape ultime, c'est qu'il fasse une transition complète, extrêmement binaire, du côté de l'autre genre. Et en
réalité, c'est une évolution possible mais ce n'est pas représentatif de
la totalité des situations et c'est peut-être même pas des plus
fréquentes", insiste la psychiatre.
Pour Anne Bargiacchi, il faut vraiment lutter contre cette idée qui peut effrayer
les personnes concernées comme leur entourage : "Ca peut être inquiétant pour
les familles, de penser que si leur enfant exprime une interrogation sur leur
genre, ça veut dire que hop, on est en train de mettre le doigt dans un
engrenage et qu'on va en arriver à la chirurgie".
L'accompagnement des enfants se questionnant sur le genre peut consister en une simple écoute. Si les questionnements persistent et qu'un malaise semble grandir à l'approche de l'adolescence, une transition sociale et / ou des bloqueurs de puberté peuvent éventuellement être proposés.
Au-delà des consultations à l'hôpital, la psychiatre Anne Bargiacchi souligne l'importance du rôle parental dans la construction de leurs enfants : "On a probablement assez peu d'impact sur ce qui va advenir de l'identité de genre de nos enfants, finalement, on va jouer un rôle minuscule sur le fait qu'ils vont être cisgenres, transgenres, etc. En revanche, on a un immense rôle à jouer sur comment ils vont se ressentir, quel que soit leur genre, c'est à dire est ce qu'ils vont intérioriser une forme de transphobie parce qu'on leur fait honte, ou quand ils voient que leur environnement réagit négativement... Et donc ça, ça a un impact important sur la santé mentale, sur le bien-être, sur comment on fonctionne plus tard quand on est un plus grand enfant, un adolescent, un adulte...", prévient-elle.
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