Younès est un jeune flamand de 27 ans à la peau claire, petite barbe brune et yeux bleus. Lorsqu'il nous reçoit, c'est la même silhouette frêle que celle en treillis et en arme qu'il trimbale sur les photos de son séjour près d'Alep, en Syrie. "Je me bats désormais avec mes mots", explique-t-il d'entrée dans cet anglais qu'il préfère pour nous raconter son parcours. Autrefois Younès s'appelait Mickaël, fils d'une famille de six enfants. À 18 ans, il se lasse vite des soirées arrosées sur les bancs de son quartier et se convertit à l'islam. Son père lui demande alors de choisir : sa nouvelle religion ou la rue.
"La plus grosse partie d'entre nous part là-bas parce que la société nous rejette. On est considéré comme des déchets. En Belgique, en France ou en Angleterre, c'est partout pareil. On retire tout ce qui permet de nous identifier : le voile, les écharpes, la burqa... Porter la barbe est l'une des choses les plus durs quand on cherche un travail ici", explique-t-il.
Le discours est encore amer. Ces frustrations et cette victimisation, un homme et un groupe vont les utiliser. Fouad Belkacem, leader de Sharia4Belgium, recrute Younès sur le béton d'un trottoir. D'abord les prêches de rue et les vidéos en Belgique. Puis la Syrie. Depuis 2012, comme Younès, 70 des membres de ce groupe ont grossi les rangs de Daesh. Une fois en Syrie, le jeune homme effectue essentiellement des tâches subalternes. De ce qu'il dit et de ce que son procès raconte, le jeune Belge n'a jamais côtoyé la ligne de front. Il essaye, dans un discours toujours teinté de propagande, de raconter la vie normal sous le pavillon noir de Daesh.
Mon rôle était de garder les postes frontières, chercher des maisons, enterrer des frères morts au combat
Younès, un jeune jihadiste de retour de Syrie
En oubliant d'évoquer les exactions, l'occupation et les populations déplacées ou encore les centaines de morts. "Il y a différentes tâches dans l'État islamique. Là-bas mon rôle était de garder les postes frontières, chercher des maisons, enterrer des frères morts au combat, ou amener des prisonniers aux toilettes, les nourrir et leur inculquer le vrai islam", confie-t-il. Un islam ultra-radical et une action terroriste que légitime toujours le jeune garçon, incapable il y a quelques jours encore de condamner les attentats commis en Europe.
Younès explique qu'il est revenu pour chercher sa compagne. Dans son salon, la police l'attendait. Bien conscient qu'il ne serait pas aussi facile de disparaître, il s'est rendu. Il est aujourd'hui condamné à trois ans de prison avec sursis et n'est finalement pas retourné en Syrie. "C'était le plan, mais ça n'a pas marché. Donc je reste en parlant au gens pour leur raconter la vérité. Notre vérité bien sûr...", dit-il. Peut-être le mot le plus lucide de cet entretien. Après six mois à fréquenter ce centre de déradicalisation, Younès commence à s'ouvrir explique son entourage. Il parle avec des femmes, soutient leur regard et a retrouvé un emploi. Il est aujourd'hui boulanger.