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Brexit : la revanche des "grenouilles" ?
ÉDITO - Alors que les négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l'UE commencent, les capitales européennes déroulent le tapis rouge aux entreprises anglaises. Paris en tête.
Le quartier de La Défense à Paris
Crédit : FRANCOIS GUILLOT / AFP
C'est le Financial Times, le grand journal de la City (le secteur financier de Londres), qui nous l’apprend. Les grandes banques françaises, qui avaient créé ou transféré nombre d’emplois à Londres dans les dernières années, ont complètement interrompu ce mouvement. Elles attendent l’issue des négociations pour voir si Londres conservera ce qu’on appelle les "passeports", c'est-à-dire les licences qui permettent aux établissement installés au Royaume-Uni - qu’ils soient britanniques ou non - de proposer leurs service dans toute l’Europe. Si les Britanniques optent pour un vrai divorce, il n’y aura plus de "passeport", et Londres sera alors bien moins séduisante. En revanche, s’ils parviennent à aménager un statut de pays associé, en payant alors une cotisation de plusieurs milliards, le "passeport" sera maintenu, et la place de Londres avec lui.
Le gouvernement français espère bien non seulement empêcher les départs de France, mais faire venir à Paris des banques installées à Londres. Est-ce que c’est crédible ? On était sceptique au départ sur l’idée que la France puisse attirer des Londoniens. Pour des raisons fiscales d’abord. Les mouvements d’émigration de la France vers l’Angleterre pour cette raison ont été massifs dans les dernières années, au point qu’il y a aujourd'hui 300.000 Français à Londres, pour moitié dans la finance. Bon nombre d’entre eux sont installés à South Kensington, dans un quartier très bourgeois de la capitale britannique.
La Défense "coasse" pour attirer les entreprises de la City
Les derniers temps du quinquennat Sarkozy et celui de François Hollande n’ont fait qu’accroître la tendance. Mais il y a des raisons culturelles aussi. La connexion avec New York et Singapour est bien plus naturelle de Londres que de Paris, ne serait-ce qu’à cause de la langue. Toutefois, l’opération de séduction est plutôt bien menée. Une campagne de communication vient d’être lancée à Londres, avec un message à destination des cadres : "Tired of the fog ? Try the frogs !". Traduisez : "Si vous êtes fatigués du brouillard, venez donc chez les grenouilles !". Les 'frogs', ce sont bien sûr les Français, mangeurs de grenouilles pour les Britanniques.
Brexit: La Défense "coasse" pour attirer les entreprises de la City
Crédit : Paris-ladefense.com
Le régime fiscal des étrangers vivant en France a été sérieusement adouci dès l’été dernier. C’est un argument-clé. Un guichet unique a aussi été installé pour faciliter les démarches administratives de ceux qui dans notre bon pays. Et la région Île-de-France, très en pointe sur l'affaire, a musclé son agence chargée de l’attractivité.
Encore des inconnues
Pour une fois, tout le monde avance dans le même sens, c’est positif. Restent plusieurs inconnues. D'abord ce que vont faire les rivales de Paris - Francfort en particulier - qui luttent aussi pour récupérer les dépouilles du Brexit. Ensuite le contenu des négociations elles-mêmes, et de l’accord sur lequel elles déboucheront. Si le passeport est maintenu, la finance restera sans doute là où elle est.
Enfin, pour être véritablement attirant, il faut parvenir à constituer une sorte de masse critique. C'est-à-dire convaincre pas mal d’entreprises financières de venir, afin de recréer un milieu professionnel large dans lequel les échanges sont possibles. C’est ce qu’a réussi Londres, au-delà de ses avantages fiscaux. Cela étant dit, si même notre pêche aux exilés du Brexit n'est pas miraculeuse, le travail sur l’attractivité fait à cette occasion ne sera pas inutile. Il portera ses fruits dans d’autres secteurs.
