Dernière ligne droite pour le bac 2022 : quelque 520.000 lycéens ont passé ce mercredi matin l'épreuve de philosophie. Dans un contexte de vague de chaleur exceptionnelle sur toute la France, les élèves ont planché jusqu'à 4 heures pour rendre la meilleure copie possible ce mercredi 15 juin. Pour le bac général, cette épreuve représente un coefficient 8. En partenariat avec Digischool, RTL vous dévoile des corrigés de l'épreuve.
Les élèves devaient rédiger un sujet parmi trois propositions. Deux d'entre elles étalent des dissertations et la troisième possibilité était un commentaire de texte. Pour le bac général, les élèves avaient le choix entre deux sujets de dissertation :
- Les pratiques artistiques transforment-elles le monde ?
- Revient-il à l'État de décider ce qui est juste ?
Les lycéens en section générale pouvaient aussi choisir le commentaire de texte d'un extrait d'Antoine-Augustin Cournot nommé Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique d'Antoine-Augustin Cournot (1851).
L’objet principal de ce sujet est l’art, bien sûr, mais plus particulièrement la question des pratiques artistiques, et donc de l’art considéré comme une activité créatrice. Il s’agit de mettre cela en relation avec notre rapport au réel, notamment la façon dont l’art transforme et modifie le monde. Ce thème de la transformation du monde peut être l’occasion de faire des liens avec des chapitres connexes, comme la liberté ou la nature.
Vous pouviez donc partir sur la problématique suivante : les pratiques artistiques s’intègrent-elles à un monde toujours déjà-là qu’elles se contentent de reproduire ou réfléchir, ou bien en tant que productions créatives ont-elles vocation à modifier l’aspect du monde tel qu’il se donne à nous ?
Le plan que vous pouviez adopter pour répondre à sujet est le suivant :
I. L’art comme activité de reproduction du monde déjà-là
1. L’activité de l’artiste ne peut, à proprement parler, créer quelque chose de nouveau
L’idée, ici, c’est que tout pratique artistique part d’une donnée qui existe déjà et que l’artiste va modifier. Ce qui ne transforme pas forcément le monde, mais en fait une reproduction moins vraie. Pour défendre cette idée, vous pouviez vous appuyer sur Platon, en citant notamment le livre X de la République.
2. En cela, toute activité artistique transforme le monde dans le sens où elle le dénature :
Ici, l’œuvre d’art devient un objet du monde parmi d’autres, mais cet objet est très éloigné du réel et du vrai. Par conséquent, elle transforme le monde, mais dans un sens négatif et dangereux : elle produit un monde d’illusions.
Ici, vous pouviez encore une fois faire référence à Platon, et citer l’exemple du peintre Zeuxis, mentionné dans la Poétique d’Aristote.
II. Par sa pratique, l’art peut transformer le monde
1. Les œuvres peuvent induire un nouveau rapport à soi et au monde :
Contempler des œuvres d’art ou assister à un concert, par exemple, a le pouvoir de nous révéler un autre monde au sens d’une autre réalité à laquelle on n’avait pas accès. Qu’en est-il pour celui qui pratique l’art ?
Pour cette sous-partie, vous pouviez mentionner la catharsis, concept développé dans la Poétique d’Aristote.
2. Avoir une démarche créative, c’est inscrire ce qu’il nous reste de liberté dans le monde :
"Pratiquer", c’est agir, donc nécessairement opérer une transformation du donné dans lequel nous sommes pris. De nombreux exemples peuvent être cités ici, notamment celui des photographies d’Auschwitz prises par les membres des Sonderkommando. Ces Juifs ont pris des photos de la réalité des camps au péril de leur vie, ce qui leur a permis de changer leur rapport à ce qu’ils étaient en train de vivre.
III. Pratiquer un art ne change pas le monde objectif, mais notre perception de celui-ci
1. L’artiste donne ses règles à l’art et transforme le donné :
Toute pratique artistique fait-elle de celui qui fait de l’art un artiste, et induit-elle alors nécessairement une transformation du monde ? Pas forcément. Seul le génie donne des règles à l’art et peut, par sa vision, renouveler la façon de percevoir le réel. Pour appuyer cette idée, vous pouviez citer Kant et sa Critique de la faculté de juger.
2. C’est avant tout notre monde subjectif qu’une pratique artistique change :
Une pratique artistique ne peut changer le monde pris comme totalité, mais bien le monde ou la réalité de la personne impliquée dans cette pratique. Bergson évoque notamment la façon dont l’artiste est un révélateur photographique du monde, en nous faisant voir ce que nous ne voyons pas quotidiennement, trop pris par notre vision commune et quotidienne.
Dans cette dissertation, les thèmes à traiter étaient donc l’État, la justice ou encore le droit. Selon le correcteur, dans ce sujet de philosophie, on ne pouvait pas évoquer la notion du "juste" sans évoquer la morale, ainsi que le rapport entre la loi et la question de la légitimité. D’un côté, l’État est un ensemble d’institutions politiques visant à la gestion de la société détenant le pouvoir. Il impose des lois « justes » destinées à rendre possible le vivre-ensemble.
D’un autre côté, il existe des situations où l’État, en tant que puissance exécutive et législatrice, n’est pas forcément à même de décider ce qui est juste ou non. En effet, le juste ne définit pas seulement le légal, mais aussi le légitime en vertu de principes ou de valeurs plus hautes.
Vous pouviez, par exemple, utiliser la problématique suivante : le domaine de la justice relève-t-il de la sphère de l’État, au risque que les lois en viennent à servir l’État et non la justice, ou bien doit-on distinguer les lois de la reconnaissance de principes de justice qui reviendraient à d’autres acteurs que l’État et pour lesquelles la société civile aurait un rôle à jouer ?
Voici une proposition de plan et d’exemples pour traiter ce sujet de philosophie :
I. L’État comme détenteur du pouvoir et de l’édification des lois
1. L’État a le monopole de la direction et de la violence légitime par le biais de la contrainte des lois
Dans cette partie, vous pouviez évoquer le fait que l’État, en tant qu’institution politique dirigeante, a pour rôle de maintenir l’ordre, la paix et la sécurité dans la société. Ses décisions ne doivent pas être entravées, sans quoi l’État n’aurait aucune raison d’être et le chaos règnerait.
Pour illustrer ces propos, vous pouviez citer Le Savant et le politique de Weber. "L’État a le monopole de la violence publique légitime" par le biais de la police. La contrainte peut être exercée au nom de la loi édictée par l’État par le biais des chambres des représentants.
2. Ce rôle garantit la possibilité de vivre en paix et en sécurité pour l’ensemble des contractants
L’idée, dans cette partie, est de montrer que sans l’État il n’y a pas de justice, c’est-à-dire pas de droit. Une situation d’égalité ne produit pas nécessairement la justice. Vous pouviez illustrer ce propos en citant Hobbes, Léviathan, chapitre 13. Dans l’état de nature, on observe une situation d’égalité de fait (mêmes forces, mêmes désirs, etc), mais cela ne garantit pas la justice. Seul l’État, de par sa puissance légitime (suffisamment importante pour créer une peur), peut produire ce qui est juste, c’est-à-dire les lois.
II. Une réflexion sur le juste qui semble se passer de l’État
1. Le cas de l’arbitrage et des lois injustes
Mais que penser des situations où l’État applique les lois, certes, mais où il n’est pas juste pour autant ? Ici, il s’agit de distinguer le légal du légitime, notamment en évoquant la révolte politique ou la désobéissance civile. Celles-ci font valoir les lois du cœur ou de la famille plutôt que celles dictées par la cité. Il était possible d’illustrer ces propos avec le mouvement "Black Lives Matter" par exemple, ou encore Antigone, qui, contre les lois de Créon, a décidé de ne pas enterrer son frère parce qu’il est régicide.
2. L’anarchisme : une solution ?
La thèse anarchiste suppose ainsi que l’État ne défend pas les intérêts de la majorité et du peuple, mais ceux d’une minorité. Les individus devraient donc se soulever pour faire entendre leurs droits. Mais qu’est-ce qui serait juste s’il n’y avait plus d’État ? Faudrait-il défaire l’État comme structure de domination de la bourgeoisie, et que les réflexions et les décisions soient prises par l’ensemble des citoyens, comme le suggère Bakounine ?
III. Distinguer le juste légal et le juste moral. Comment des principes moraux peuvent influencer les lois ?
1. La réflexion sur la justice peut appartenir à la société civile
Pour que le "juste" n’appartienne pas à l’État, faudrait-il œuvrer pour une révolution, afin que les lois soient conformes aux principes d’égalité, de liberté et de dignité humaine ? Il était possible de citer Marx et son Manifeste du parti communiste, qui trace le programme pour que les prolétaires s’unissent et produisent une nouvelle conception de la justice, et établissent des lois plus égalitaires qui ne favorisent pas quelques nantis.
2. Comment dans un État de droit peut décider le plus justement possible ?
Dans la Théorie de la Justice de Rawls, il est question de proposer une solution pour penser des démocraties plus justes au sens d’équité et pas seulement d’égalité, sans égard à la situation de départ des législateurs (sexe, richesse, couleur de peau…). L’État pourrait ainsi produire les lois pour garantir la sécurité, mais il faudrait qu’il soit représentatif des membres de la société civile.
Pour le troisième sujet au choix du bac de philosophie 2022, l’explication de texte portait sur un extrait d'Antoine-Augustin Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique (1851).
Vous pouviez utiliser la problématique suivante afin de commenter ce texte : est-ce que la psychologie peut vraiment être considérée comme une science, étant donné à la fois la réalité de la conscience humaine et les conditions de l’observation, ou bien peut-on faire porter les objections envers la psychologie aux sciences de la nature également ?
Pour y répondre, vous pouviez élaborer le plan suivant, basé sur les trois parties qu’on peut distinguer dans le texte :
I. Lignes 1-10 : la méthodologie à l’œuvre dans les sciences de la nature
A. Établir les conditions qui forment le caractère scientifique d’une observation : l’importance de la répétition (lignes 1-5)
B. Définir un deuxième critère : l’indépendance de l’observateur (lignes 5-10)
II. Lignes 10-18 : en quoi la psychologie ne répond pas à ces critères
A. Mettre en cris l’observation intérieure propre à la psychologie en montrant la fugacité de son objet. L’impossible répétition (lignes 10-13).
B. Reprise du 2e critère : la partialité de l’observateur (lignes 13-18).
III. Lignes 18-fin: la question de l’intérêt à étudier le domaine de la psychologie en comparaison avec les sciences expérimentales
A. Pointer l’absence d’intérêt scientifique et gnoséologique de la philosophie de la conscience (lignes 18-20)
B. Pointer le caractère partageable du savoir empirique en dépit des préférences personnelles (ligne 20-fin)
DigiSchool vous propose une correction live de l’épreuve aujourd’hui à 13h sur sa chaîne YouTube. RTL et digiSchool vous souhaitent bonne chance pour le Grand Oral. Vous découvrirez vos résultats du bac 2022 le mardi 5 juillet.
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