OM-Shakhtar Donetsk : pourquoi les Marseillais vont affronter plus qu'un club de foot
Les Marseillais affronteront ce jeudi 22 février un club du Shakhtar Donetsk qui, depuis 10 ans, vit au rythme des guerres qui ont miné d'abord le Donbass, puis l'Ukraine.
Il y a encore une dizaine d'années, le Shakhtar Donetsk était un exemple à suivre pour les clubs français. Une Donbass Arena ultra-moderne, une formation parmi les plus performantes d'Europe, et un réseau de recrutement de Brésiliens qui faisait saliver les plus gros cadors européens. Et puis à l'été 2014, le destin de ce club allait être dicté par la guerre.
Il y a eu d'abord le conflit entre les séparatistes prorusses du Donbass et l'armée régulière d'Ukraine, qui a forcé les "Mineurs" du Shakhtar (le surnom de l'équipe) à quitter leur ville pour disputer leurs matchs à Kharkiv ou Lviv, en s'entraînant la semaine à Kiev. Un comble pour le club qui, au tournant des années 2000, est venu torpiller la domination du mythique Dynamo de Kiev. Le somptueux écrin qu'est la Donbass Arena devient alors un centre humanitaire pour les civils qui subissent la guerre.
Jouer à domicile à l'"extérieur"
Sur le terrain, les joueurs restent compétitifs, le titre national est raflé en 2017, 2018, 2019,2020, 2022 et 2023. Sur la scène européenne, il ne fait toujours pas bon affronter les joueurs du Shakhtar, capables d'enflammer un match face à n'importe quel adversaire. Les vainqueurs de la Ligue Europa 2009 sont demi-finalistes de cette compétition en 2016 et 2020, et disputent trois depuis 2014 les huitièmes de finale de Ligue des champions, en jouant à l'extérieur leurs rencontres "à domicile", à plusieurs reprises.
Depuis l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, les matchs européens sont même disputés à l'étranger, en Pologne la saison dernière, et à Hambourg cette année. "Vu que le survol aérien du pays est interdit à cause de la guerre, tous nos trajets se font en bus ou en train : pour certains matches de championnat, nous avons 11 heures de voyage", raconte à la RTBF Oleg Barkov, membre de la cellule médias du Shakhtar. Mais depuis le début de la guerre, nous commençons à être habitués. On fait avec : on n'a pas le choix".
À Hambourg, où se trouve la plus grande communauté de réfugiés ukrainiens, le Shakhtar s'est offert à l'automne le scalp du FC Barcelone, et bénéficie du soutien du public. "Avant même le tirage au sort de la Champions League, sans même connaître nos adversaires, on avait déjà vendu 25.000 abonnements", indique à nos confrères Oleg Barkov. Les jours de matchs, le Volkparstadion (stade de l'historique HSV, qui évolue en deuxième division) est largement garni.
Une forme de "soft power" footballistique
Le club est ainsi devenu au fil des années un étendard du peuple ukrainien, en dépit des rivalités entre clubs. De part ses rencontres européennes, un match des Mineurs est en quelque sorte aussi une rencontre de l'Ukraine, d'autant que l'effectif est composé à l'immense majorité d'Ukrainiens. Face à l'OM au match aller, le 11 de départ était composé de 9 ressortissants ukrainiens. Seuls Azrovi, un Géorgien, et Eguinaldo, un Brésilien, représentaient des nationalités étrangères.
Ce dernier, âgé de 19 ans et suivi par beaucoup de clubs européens, est le signe que le club de Rinat Akhmetov, oligarque ukrainien natif de Donetsk, et considéré comme l'homme le plus riche d'Ukraine avant la guerre, reprend du poil de la bête. Le signe aussi de la volonté de montrer que le conflit, qui s'enlise sur les plans militaire et politique, n'entame pas la volonté des Ukrainiens de s'affirmer en tant que nation à travers une forme de "soft power" footballistique.
Ce jeudi 22 février au Stade Vélodrome, l'Olympique de Marseille devra faire très attention à ce club qui semble avoir un malin plaisir d'éjecter les clubs de Ligue 1 des coupes d'Europe. En effet, Monaco à l'été 2021 (barrage de C1) et Rennes en 2023 (barrage de Ligue Europa) ont subi les foudres et la ténacité du Shakhtar Donetsk. Jamais 2 sans 3 ?
