"Houellebecq et Aubert, sur le papier, ça ne marche pas", reconnaît le musicien. Et pourtant, le compositeur et chanteur du groupe Téléphone et l'écrivain se trouvent réunis dans un album publié lundi, Les parages du vide. "Il y en a un qui est la face sud et l'autre la face nord, s'amuse-t-il. Mais on a un peu le même âge, on a écouté les mêmes choses, on a vu les mêmes horreurs, on a les mêmes réflexions, même si on a eu des manières différentes de les construire et une envie différente de faire marcher le monde".
Tout a démarré par une cigarette et un "coup de foudre" de l'un pour un poème de l'autre. Jean-Louis Aubert descend à son "tabac-papeterie" et tombe sur un recueil de poèmes de Houellebecq, "Configuration du dernier rivage". Remonté chez lui, il l'ouvre au hasard. Le texte, qui deviendra la chanson "Isolement", lui inspire tout de suite une musique. "En un week-end, j'ai fait huit chansons", se souvient-il.
Il obtient l'adresse électronique de Michel Houellebecq, qu'il admire "de loin". "Un grand écrivain, ça fait un peu peur, on se demande si on peut être accueilli dans ce milieu. S'il avait dit 'je n'ai pas le temps', j'aurais arrêté", confie-t-il. Mais l'écrivain, fan de rock, est enthousiaste.
"Finalement, c'est le sommet de la complémentarité et ce sont des alliances que je trouve merveilleuses quand elles peuvent arriver. Il y a un peu la main du destin là-dedans", dit-il. Avec ce disque, "des gens qui n'ont jamais lu un bouquin de lui vont peut-être connaître un de ses poèmes par coeur. C'est merveilleux", ajoute le chanteur.
N'hésite pas, tu peux changer des mots
Michel Houellebecq
"La première fois qu'il a écouté 'Isolement' il s'est levé, m'a embrassé et m'a dit: 'c'est mieux que ce que j'ai écrit'. C'est quelqu'un de très doux, il me rappelle Bashung", confie Jean-Louis Aubert. "Je recevais des messages: 'ce qui est incroyable, c'est que toujours ta voix va', et puis: 'j'aime tellement le solo que, peut-être, si tu veux, tu peux retirer des phrases. N'hésite pas, tu peux changer des mots' ".
Finalement, Jean-Louis Aubert n'a rien changé. Mais dans le recueil, il a choisi les poèmes les plus doux, laissant de côté les textes crus, cyniques. "Je trouve qu'ils sont difficiles à chanter. Il est possible de les dire sur de la musique, mais il faut un petit élan pour qu'une mélodie naisse: une mélancolie, de l'amour, une joie", estime-t-il.
Ses choix ont aussi été guidés par sa personnalité. "Quand j'ai vu qu'il y avait un côté un peu lumineux, c'est là-dessus que j'ai pris la main. Le reste me fait rire ou m'effraie". "J'ai quelquefois l'impression qu'il serait prêt à dire quelque chose qu'il ne fait pas, ou qu'il ne pense pas, pour dénoncer ceux qui le pensent ou le font. Il en est presque à ce sacrifice-là", dit Jean-Louis Aubert.
"Si j'arrive à retranscrire (sur le disque) un peu de la tendresse que je ressens pour lui, ça donnera une facette de plus à son personnage", se réjouit-il, comparant le prix Goncourt 2010, "mal à l'aise avec la vie", à "l'albatros de Baudelaire dont les ailes de géant l'empêchent de marcher".
Quand Aubert évoque Houellebecq, sa "tendresse presque tactile" est mêlée à une infinie pudeur. Quand on lui parle d'amitié, il répond: "je ne voudrais surtout pas le déranger". "La dernière fois qu'on s'est quittés, en montant dans le train, il m'a dit: 'profite!'. Je lui ai dit: 'reviens!'", confie-t-il.
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