La parole se libère. On croyait que la vague du mouvement #MeToo avait tout déblayé sur son passage mais il reste encore beaucoup à dire sur les oppressions que subissent les femmes et autres minorités, en coulisses, sur les réseaux sociaux et ailleurs, sur leur lieu de travail ou dans leur vie personnelle.
Depuis le vendredi 8 février avec les révélations autour de "La Ligue du LOL", ce groupe Facebook privé composé d'une majorité d’hommes journalistes harcelant sur Twitter des femmes et d'autres personnes engagées, les langues se délient dans le milieu des médias autour de cette culture du Boys' Club. C'est elle qui favorise l'entre-soi masculin dans les rédactions et peut parfois instaurer des comportements de harcèlement à l'encontre des femmes.
Des rédactions aux voyages de presse en passant par les écoles de journalisme, les témoignages se multiplient sur les réseaux sociaux, indiquant alors la fin d'une omerta dans les médias.
Après La "Ligue du LOL", c’est au tour des groupes privés de journalistes de la rédaction française du HuffPost ("Radio Bière Foot") et de Vice ("Les Darons") d’avoir été mis sur le devant de la scène médiatique par CheckNews et L'Express. Dans ces espaces numériques, les hommes de ces deux rédactions y critiquaient, commentaient et moquaient leurs collègues (en majorité les femmes).
L’existence secrète de ces groupes de discussion n’a pas tenu, créant ainsi un climat de tension au sein des entreprises, avec parfois de conséquences très graves sur la vie professionnelle et personnelle des victimes de ce harcèlement ciblé.
Sur Twitter, d’autres voix se sont élevées contre le système médiatique. Ce dernier n'a en effet pas toujours besoin de matérialiser un groupe en ligne pour manifester une certaine oppression à l'égard des femmes portant des engagements féministes.
Émilie Laystary, journaliste de France 24, est par exemple revenue sur Twitter sur une expérience qu'elle a vécue dans une rédaction : "Au sein d’un grand quotidien, mes convictions féministes ont été tournées en dérision par un 'vieux de la vieille' puis utilisées en conf de réaction pour me disqualifier alors que je proposais une idée d'angle (qui n'avait d'ailleurs rien à voir avec les questions de genre)", écrit-elle avant d’ajouter : "Cet épisode m'a vaccinée : j'ai donc décidé de taire une partie de mes idées de peur qu'elles ne soient utilisées contre moi. Voilà comme on silencie des voix pendant que d'autres font preuve de misogynie et d'homophobie sans que ça ne fasse sourciller personne dans l'open space."
Une ancienne journaliste, Pia Jacqmart, a de son côté choisi de publier un long témoignage sur la plateforme Medium pour rendre compte des violences qu’elle a subies sur des forums, en rédaction ou encore en voyage de presse pendant sa dizaine d’années à exercer en tant que journaliste spécialisée dans les jeux vidéo.
Mais les rédactions ne sont pas les seuls endroits où s’expriment la violence de certains journalistes. Elle commence en fait dès les formations. Un article publié sur le site de France Inter dévoile en effet les coulisses de l’école de journalisme de Grenoble où sévissait un autre groupe Facebook baptisé "L’ultim-hate". Le site publie plusieurs captures d’écran de propos sexistes et misogynes, certains appelant au harcèlement en ligne d'une camarade de classe.
Nassira El Moaddem, ancienne directrice du Bondy Blog, avait quant à elle déjà raconté dès décembre 2017 l'humiliation et le harcèlement dont elle avait été victime lors de sa scolarité à l'ESJ Lille entre 2010 et 2012. "J'avais l'impression de prêcher dans le désert", écrit-elle sur Twitter avant de partager un texte publié sur Medium. Elle y raconte plus en détails son histoire qui "n'est pas une exception".
"Dès les premiers jours, j’ai très rapidement compris qu’il y avait un problème : un petit groupe d’étudiants, composé d’hommes exclusivement, considérés très vite comme populaires au sein de l’école, y faisaient la pluie et le beau temps, créaient des réputations, se moquaient, lançaient des brimades, rabaissaient", détaille-t-elle dans ce texte.
Nassira El Moadden précise que ces "attitudes étaient constantes" envers "les camarades filles souvent, les étudiants étrangers, certains intervenants parfois. C’est ainsi qu’une des élèves a été leur cible récurrente pendant les deux années, objet de propos sexistes sur sa façon de s’habiller et de commentaires graveleux sur ses relations intimes". Un procédé familier, qui rappelle les agissements de "La Ligue du LOL".
Si l'école de Grenoble a assuré ne pas connaître l’existence de "L’ultim-hate", Nassira El Moadden a elle-même interpellé à ce sujet le directeur de l'époque, Marc Capelle. "Ce dernier qui, au moment des faits qualifiait leur comportement de 'blague d’un goût fort douteux', reconnait désormais qu’il s’agissait d’un 'harcèlement'. Il poursuit pourtant : 'Ces étudiants étaient en fin de scolarité. Fallait-il assortir ce recadrage d’une sanction ? De fait, je ne l’ai pas fait'", rapporte-t-elle.
Pour répondre à ce climat sexiste et misogyne aussi bien dans les écoles que dans les rédactions, plus de 900 journalistes ont signé la tribune de l'association de femmes journalistes Prenons la Une (dont la rédactrice de cet article fait partie) et de l'AJL (Association des journalistes lesbiennes, gays, bi et trans) et 580 étudiants et étudiantes des écoles de journalisme ont signé une tribune, demandant aux rédactions de "renforcer d'urgence leurs dispositifs de lutte contre les discriminations racistes, sexistes et homophobes".
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