"Kaizen" : pourquoi le documentaire phénomène d’Inoxtag suscite aussi des critiques

Inoxtag ne laisse personne indifférent. Kaizen, le documentaire retraçant son ascension de l'Everest, est un véritable phénomène. Sur YouTube, sa vidéo a réalisé l’un des meilleurs démarrages pour un contenu francophone avec 12 millions de vues en 24 heures. Le film est également un succès en salles, attirant quelque 340.000 spectateurs, dont 40.000 à l'étranger (Belgique, Québec, Maroc, etc.), aux avant-premières, selon les chiffres donnés dimanche par son distributeur, MK2.

Si Kaizen a été accueilli par des réactions positives, et pas seulement de la part des fans du vidéaste, le film a également l'objet de reproches.

Dans les colonnes de Reporterre, Fiona Mille, présidente de l'association Mountain Wilderness, souligne l'impact écologique de la démarche d'Inoxtag : "L’Everest est devenu une case à cocher, quelque chose à faire une fois dans sa vie. Ce qui pose question avec la vidéo d’Inoxtag, c’est qu’on valorise l’exploit et on met en avant un business. On fait de la montagne un objet de consommation et cela a des impacts environnementaux évidents."

La présidente de l'association écologiste poursuit : "Mais l’Everest est devenu une carte postale, alors Inoxtag y va quand même. Il s’agit d’un youtubeur français, mais il y a une vraie clientèle de personnes fortunées qui se disent qu’en deux jours, ils seront au sommet du toit du monde".

L'Everest, une décharge à ciel ouvert

La Fondation pour la Nature et l'Homme (FNH), indique sur son site que l'Everest serait devenu la "plus haute décharge du monde". La FNH détaille : "Situé à 4.000 mètres d’altitude, Pangboche (dernier village habité avant le camp de base de l’Everest) n’est pas équipé pour gérer les tonnes de déchets qui, dans le meilleur des cas, sont redescendues des hauteurs. Les décharges à ciel ouvert s’y multiplient dégradant les sols, polluant les cours d’eau."

Le constat de la surexploitation de la montagne est notamment partagé par l'auteur de BD et alpiniste Jean-Marc Rochette. Sur Instagram, il dénonce la désacralisation du lieu, mais sans cibler spécifiquement le youtubeur : "Dans l'absolu, il faudrait interdire le sommet de l'Everest à toutes tentatives, comme le fait le Bhoutan pour les plus de 6.000 mètres de son territoire, et rendre ce sommet à sa solitude et à son sacré."

De son  côté, le quotidien Libération a déploré une invisibilisation du labeur des sherpas, tandis que l'alpiniste et photographe Pascal Tournaire a pointé dans L'Équipe un film "très égocentré" sans véritable "exploit", selon lui.

Des collaborations commerciales

Inès "Inoxtag" Benazzouz, 22 ans, jouit d'une grande notoriété sur YouTube. Il est suivi par plus de huit millions de personnes. Il s'est fait connaitre en filmant ses parties de jeu vidéo sur Minecraft et Fortnite. Son modèle économique repose principalement sur la promotion de marques et Kaizen ne fait pas exception. Parmi les sponsors, on retrouve par exemple Nike, Deezer et Les Produits Laitiers. 

Sur X, le journaliste Vincent Manilève a repéré que, sur YouTube, son documentaire n'a comporté aucune indication légale au sujet de ses sponsors pendant plusieurs jours. Depuis, le problème a été corrigé et Kaizen comporte bien le message "inclut une communication commerciale".

D'après la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, cette mention est obligatoire. Le non-respect de la législation entraine une sanction de 2 ans de prison et 300.000 euros d'amende. 

La conclusion de "Kaizen" interroge certains internautes

L'un des points qui a particulièrement focalisé certaines critiques, c'est une partie de la conclusion du documentaire. Dans celle-ci, Inoxtag est seul, devant la caméra et essaie d'adopter une posture critique : "On est matrixé, on est fou par le téléphone. Là, je suis déconnecté total et le téléphone, c'est un poison, c'est une drogue. [...] Imagine si tu prends tout ce temps pour poser ton téléphone et te dire, moi aussi, je vais le faire."

De nombreux internautes ont souligné l'ironie de la situation. En effet, les revenus des influenceurs dépendent en grande partie de l'attention et donc du temps que leur consacre leur communauté. Par ailleurs, le 10 septembre, quelques jours avant la parution de Kaizen, l'opérateur téléphonique Orange France a diffusé une publicité mettant en scène l'ascension d'Inès Benazzouz.

Sur Instagram, l'influenceur a posté un message à ses 5,7 millions d'abonnés afin de répondre aux critiques : "Arrêtons d’écouter les pessimistes. C’est la peur qui nous limite dans nos mouvements, tout comme le regard des autres. Entourons-nous d’optimistes, de rêveurs, de ceux qui veulent devenir meilleurs, car c’est parce qu’ils sont différents de nous qu’ils nous complètent et nous apportent les bonnes énergies quand le doute s’installe".

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