C'est la rentrée. Le cartable neuf, encore léger, et la course jusqu'à l'école pour ne pas être en retard à son premier jour de classe. Des parents frileux et stressés, que les enfants n'ont pas envie de quitter. L'angoisse à la perspective de ne plus jamais les revoir devient trop forte, et les larmes coulent à flot sur leurs joues rebondies. Cette scène à la fois mignonne et honteuse est redoutée de tous. Surtout quand des caméras sont là, menaçant d'immortaliser ce moment gênant.
L'un des exemples les plus récents de craquage d'un enfant a eu
lieu aux États-Unis. Là-bas, ils commencent l'école plus
tôt qu'en France, à la fin du mois d'août. Souvent, des
journalistes traînent aux alentours des maternelles pour recueillir
les impressions de gamins apeurés. En 2014, le sort est tombé sur Andrew Marcias, garçon de quatre ans à la coupe soignée.
Alors
qu'il faisait sa première rentrée à Los Angeles, Andrew est submergé de
questions. "Est-ce que tu es content à l'idée de rentrer en maternelle
?", lui demande la journaliste. "Oui !", lance le petit garçon.
"Pourquoi ?", renchérit la reporter. "Je ne sais pas", avoue Andrew.
Jusqu'ici, la catastrophe est évitée. C'était sans compter la question
qui tue : "Est-ce que ta maman va te manquer ?", posée
par la journaliste. "Non !", affirme d'abord Andrew, avant de sangloter
et de pleurer. Dur, dur.
Les chaînes de télévision ont pour habitude de prendre au moins un enfant comme exemple chaque année, et le suivre tel son ombre le jour de sa rentrée des classes. De quoi rajouter du stress au stress. Margaux en a fait la douloureuse expérience en 2008 avec Télé Toulouse.
Alors
que tout se passe pour le mieux et que Margaux ravit le téléspectateur
avec son accent du Sud-Ouest, tout s'effondre lorsque la collégienne
découvre qu'elle n'est pas dans la même classe que ses amies. À nouveau,
les larmes sont au rendez-vous. La mine déconfite et rougie, Margaux
est tellement énervée qu'elle répond sèchement au journaliste : "Y'a rien à expliquer, j'étais pas avec mes copines, c'est tout."
Les adultes ne comprennent jamais rien. Finalement, tout est bien qui
finit bien, puisque Margaux rejoint la classe de ses amies.
Déjà dans les années 1980, la télévision ne manquait pas les premiers pas des touts petits à la maternelle. Avec de nombreux cris à la clé. On remarque un vocabulaire assez particulier pour parler d'un blondinet silencieux : "Les moins timides acceptent l'engagement mais les réticences sont nombreuses, analyse le journaliste. Sans cri, sans larmes, cet enfant s'est tout de suite enfermé sur lui-même. Il faudra sans doute quelques jours pour l'apprivoiser."
Reportage sur la rentrée ou documentaire animalier ? On ne sait plus. Reconnaissons tout de même que le zoom sur le blondinet n'est pas des plus rassurants. Notons aussi l'enfant pleurant sous une chaise à 2:45 en léchant sa morve. Culte.
Petite section, CP, 6ème : des termes inventés par les grands pour
brouiller les pistes. Cela semble réussi puisque le petit garçon
marseillais à 0:31, avec une fabuleuse chemise hawaïenne, est persuadé
d'être en CP, alors qu'il n'est qu'en grande section. Le petit est ambitieux.
À Marseille, on soigne son style, surtout pour le jour J. "C'est pour la réputation. Faut pas s'habiller comme une clando",
explique Sofia. L'expression "clando" qualifiant
"une personne vivant dans la clandestinité". À ne pas confondre avec
"clodo", donc.
Dans le même lycée, Shéhérazade fait bonne figure : "Franchement, j'aime pas trop l'école. Mais bon. Je suis un peu dégoûtée, mais c'est pas grave. Je me languis trop des vacances d'été." Patience, plus que dix mois à attendre.
Yoan n'a peut-être que 6 ans, mais il a déjà compris que la vie n'est pas un long fleuve tranquille. Son cartable Spider-Man au sol, il range ses affaires d'un air résigné et tient ces propos terribles : "Bah je vais travailler jusqu'à ce que j'ai mon bac et plein de diplômes." Haussant les épaules et faisant une mine déconfite, Yoan sait que des années de souffrance s'annoncent, mais il est prêt. "Ça va être dur ?", s'enquit la journaliste. "Bah bien sûr, parce que l'école c'est toujours dur." Heureusement, le garçon nous donne une note d'espoir : "Mais après, quand on apprend bien et qu'on écoute la maîtresse et bah voilà, qu'est-ce qu'on a ? Le bac." Yoan, un modèle de détermination pour nous tous.