Pendant 227 ans, de 1647 à 1874, l’édifice le plus haut du monde a été la cathédrale de Strasbourg, dont la flèche en grès rose domine la plaine d’Alsace à 142 mètres. À la fin du XIXe siècle ces records frémissent, avec l’église Saint-Nicolas de Hambourg, 147 mètres, la cathédrale de Rouen, 151 mètres, la cathédrale de Cologne, 157 mètres.
Les Américains vont vouloir monter beaucoup plus haut avec l’obélisque de Washington, mais cette colonne de pierre trop lourde qui a failli s’effondrer sur un sol trop instable arrivera péniblement à 169 mètres en 1884, après 40 ans de travaux.
Le fer permet désormais de rêver à de nouvelles hauteurs. Eiffel vient de battre plusieurs records du monde avec le viaduc de Garabit. La IIIe République toute jeune veut impressionner le monde et l'on commence à parle d’une exposition universelle ; elle aura lieu en 1889, pour célébrer le centenaire de la Révolution française.
Gustave Eiffel a vu toutes les expositions universelles précédentes, qui l’ont émerveillé et forgé sa vocation. Dès les premières rumeurs il veut en être, avec quelque chose qui marquera les esprits.
Il en parle dans ses bureaux d’étude, et l’idée va jaillir de ses ingénieurs Maurice Koechlin, chargé des études et calculs, et Emile Nouguier, chargé du montage et de la construction. Un édifice jamais vu, qui frappera les esprits par sa hauteur symbolique et gigantesque : 1.000 pieds de haut, 300 mètres.
Pour ces hommes habitués des ponts et des viaducs les calculs sont assez simples : il suffit d’extrapoler pour arriver à la bonne hauteur, et ils finissent par présenter à leur patron le dessin d’un vilain pylône. Gustave Eiffel n’est pas enthousiasmé du tout.
Les deux ingénieurs vont alors faire appel à Stephen Sauvestre, un architecte qui a déjà travaillé à plusieurs projets avec la maison Eiffel. Il va modifier complètement le projet : il définit trois étages, avec trois plate-formes bien réparties sur la hauteur de la tour. Il prévoit que ces étages puissent être accessibles au public : une tour par essence peu utile l'est encore moins si le public ne peut pas y monter.
Il dessine entre les quatre piliers de la base carrée des arches monumentales, qui adoucissent la forme de départ et créent une immense porte accueillante pour l'exposition universelle.
La tour beaucoup plus présentable est montrée à nouveau au patron. Eiffel décide de prendre le risque, et comme cela se fait très souvent à l’époque, lui qui n’a pas donné un trait de crayon, rachète leur brevet à ses ingénieurs et architectes Koechlin, Nouguier et Sauvestre.
Il va désormais vendre au public et au gouvernement une tour de 300 mètres qui s’appelle… la Tour Eiffel. On est en juin 1884, le combat sera long et acharné pour faire accepter cette idée jusqu’à un concours international qui tranchera le 26 mai 1886.
En même temps que surgit cette idée prodigieuse, surgissent des protestations véhémentes, jusqu’à cette fameuse pétition des artistes qui vomit cette "horrible volière, cet affreux pylône, ce grillage inachevé"… Gustave tient bon.
Le contrat officiel signé le 8 janvier 1887 est risqué : Eiffel s’engage à construire une tour en fer de 300 mètres de hauteur et à la rendre accessible au public au plus tard pour l’exposition universelle de 1889.
La tour est propriété de l’État qui la cédera à la ville de Paris, il y aura donc une subvention de 1,5 millions de francs pour sa construction, tout le reste est à la charge de l’entrepreneur qui pourra exploiter la tour pendant 20 ans pour rentrer dans ses frais.
Eiffel est pénalement responsable de tout ce qui pourrait arriver pendant le chantier, et il trouve 5 millions de francs supplémentaires pour lancer la construction.
Le premier coup de pioche est donné le 28 janvier 1887, car avant de monter très haut on plonge profondément dans le sol pour les fondations. Du côté de la Seine elle seront même construites à 5 mètres sous le niveau du fleuve par la méthode des caissons à air comprimés, que je jeune ingénieur a utilisée pour le passerelle de Bordeaux, il y a presque 30 ans.
La terre remise en place, les quatre massifs de maçonnerie sont prêts à recevoir les 16 arrêtes de fer qui formeront les 4 piles de la base carrée. La machinerie Eiffel va donner son meilleur. Il y aura très peu d’ouvriers sur la tour grâce à l’organisation sans faille des ateliers de Levallois-Perret.
Dans les bureaux, 40 employés aux calculs ont travaillé pendant deux ans pour dessiner 5.300 plans. Chaque type de pièce métallique a le sien. Le fer vient de Pompey, près de Nancy. 7 millions de trous sont percés dans les 18.000 pièces qui composent la tour.
La moitié des deux millions et demis de rivets sont déjà posés dans les ateliers avant d’envoyer les pièces préfabriquées au Champ-de-Mars.
La tour est une attraction avant même son achèvement, réalisée dans un temps record : deux ans, deux mois et 5 jours. Le 31 mars 1889, seul au sommet du campanile terminal, Gustave Eiffel hisse un immense drapeau tricolore de 7 mètres 50 de long sur 4 mètres 50 de large.
Il a réussi à construire dans les temps le plus haut édifice du monde. La tour connaît immédiatement un énorme succès, 2 millions de visiteurs vont la gravir pendant les 6 mois de l’exposition universelle. Les années qui suivront seront plus difficiles, mais la tour - qui a survécu à la démolition - a connu au fur et à mesure de son histoire un succès populaire extraordinaire.
Difficile d’y croire aujourd’hui mais on a songé à démonter la tour - comme c’était prévu à l’origine dans le contrat de concession signé par Gustave Eiffel, mais c’est l’armée et la radio qui vont la sauver définitivement avant la Première Guerre mondiale.
Les premiers essais de transmission vont rapidement démontrer qu'il est possible de communiquer instantanément avec les forts aux frontières de l'Est, et l'armée déclare la tour d'importance stratégique à l'approche de la Première Guerre mondiale, ce qui stoppe toute velléité de démontage.
La justesse d'origine de sa conception facilite les opérations d'entretien. La tour est dans un état impressionnant pour ses 134 ans. La plus belle preuve du talent des concepteurs ce sont les ascenseurs. Le système Roux et Combaluzier d’origine, pas assez efficace, a été remplacé pour l’exposition universelle de 1900 par des ascenseurs Fives-Lille.
Ironie de l’histoire Fives-Lille est une énorme entreprise de construction métallique concurrente d’Eiffel mais qui savait faire les cages qui descendaient dans les mines de charbon du Nord. Les ascenseurs des piliers Est et Ouest sont exactement les mêmes qu'à leur installation il y a 123 ans et sont chargés de transporter 24.000 personnes par jour en moyenne.
La tour Eiffel, cette beauté singulière, est en tout cas devenue partout dans le monde le symbole de Paris et de la France. C'est le seul monument aussi célèbre qui porte le nom de son constructeur. 6 millions de visiteurs y entrent mais on estime qu’en tout ce sont 21 millions de personnes qui viennent la voir chaque année dans ce quartier du Champ-de-Mars.
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