Justine Triet a provoqué de vives réactions. La réalisatrice, qui a gagné la Palme d'Or à Cannes, a estimé samedi soir dans son discours de remerciements que l'approche néolibérale du gouvernement était en train de casser l'exception culturelle française. Mais combien coûte ce système ? 287 films français ont été financés et tournés dans le pays l'année dernière, soit la moyenne de ces dix dernières années. 1,2 milliard d'euros ont ainsi été investis dans les productions de films français en 2022. Cette exception culturelle fait en tout cas la fierté de la France, et à juste titre. Avant le Covid, les films français représentaient 40% de part de marché en France.
Pour comprendre, rappelons-nous de Valérian, ce film de Luc Besson au budget colossal de 170 millions d'euros et environ 1.000 emplois prévus sur ce tournage. En 2015, le film n'est pas encore tourné et Luc Besson vient exposer à Marc-Olivier Fogiel dans RTL Soir le crédit d'impôts. "Vous dépensez 100, on vous rend 30. Le seul problème c’est que je suis un film français en langue anglaise, donc je n’ai droit à rien. On a prévu les gros films américains et les petits films français, et on n’a absolument pas prévu qu’un Français puisse faire un film ambitieux", disait-il.
Le risque est donc de voir partir le tournage et son millier d'emplois de techniciens en Hongrie. Finalement, Luc Besson obtiendra le crédit d'impôts et restera en France.
C'est donc ça l'exception culturelle française : ce sont des ristournes fiscales, de la défiscalisation grâce aux SOFICA (société de financement d'œuvres cinématographiques ou audiovisuelles). Le cinéma n'est pas qu'une boîte noire, une salle obscure, mais aussi une niche fiscale qui sauve la production tricolore. L'exception culturelle, ça se paie, car la France a des concurrents en Belgique, en Hongrie, en République Tchèque, voire en Nouvelle Zélande. L'an dernier, selon le CNC, le nombre de jours de tournages a baissé de 15% en France mais le nombre de jours de tournages à l'étranger a, lui, augmenté de 22%.
L'État injecte assez peu directement dans un film : entre 5 et 7% du budget, via le CNC qui collecte des taxes (11% récupérés sur le prix des places de cinéma, 5,5% auprès des diffuseurs télé, 2% sur la VOD notamment…) Il y a aussi des fonds régionaux, de plus en plus car c'est une belle vitrine pour le tourisme et qui représentent 2 à 3% du budget, et des fonds européens. Mais le gros du financement d'un film, ce sont les chaînes de télévision qui représentent 30% du budget, entre Canal+ qui a une obligation légale de financer et les autres chaînes nationales. Les producteurs, eux, représentent 25% du financement.
L’exception culturelle, c'est d'abord une volonté politique qui pose des règles qui vont préserver la création en France et notre modèle. C'est la politique qui a imposé aux plateformes du type Netflix de financer 20% de la production française, la politique qui fixe un prix du livre unique et qui bloque les frais de ports (car l'exception culturelle, ce n'est pas que le cinéma). C'est la politique qui impose, parfois de façon un peu aberrante, des quotas de musiques françai