Audiard a fait parler Gabin comme personne
À LA CROISÉE DES DESTINS - Quand deux monstres sacrés du cinéma populaire se rencontrent, ça donne "Les Grandes Familles", "Archimède"... Un répertoire de 17 films.

Mon premier est le géant du cinéma français, le mécanicien de la Bête humaine, le déserteur de Quai des Brumes. Mon second est un ancien marchand de journaux dont la gouaille commence à séduire les metteurs en scène.
Entre Jean Gabin et Michel Audiard la croisée des destins aurait pu tourner court. Une tête de cochon et un gentil provocateur. Ils se rencontrent en 1955, et Gabin l'appelle "le gamin". Audiard le baptise "le vieux" et lui écrit Gasoil.
Michel Audiard fait vite parler Gabin comme personne : Les Grandes Familles, Archimède, Le Clochard, le Cave se Rebiffe...
Gabin cause le Audiard, et pour cela le dialoguiste a son secret. Le verbe de l'un fait le succès de l'autre. Audiard et Gabin c'est presque un numéro de ventriloque. Mélodie en sous sol remplit les salles en cette année 63.
Mais cette mélodie-là va se dérégler. Et comme au casino, plus rien ne va aller entre le gamin et le vieux. De plus en plus difficile pour Audiard de rester le dialoguiste attitré de l'empereur du cinéma français. Pas question pour Gabin de faire les moindres concessions à l'homme qui fait parler les stars.
La querelle d'ego tourne à la brouille. Pendant quatre ans, les spectateurs vont être privés de cette doublette qui joue avec les mots. Chacun pour soi, Audiard travaille son verbe.
Gabin soigne son jeu.
Les deux monstres sacrés du cinéma populaire ne connaissent pas la crise. Mais leurs retrouvailles étaient attendues, désirées. C'est Le Pacha qui scelle la réconciliation.
Audiard parle Gabin, et Gabin parle Audiard, même en dehors des plateaux où le vieux couple se cherche des poux dans la tête.
Ils ne se quitteront plus. Jusqu'au Drapeau Noir Flotte sur la Marmite, 85eme film pour Gabin. Son 17ème avec Audiard qui l'aura fait parler jusqu'à son dernier souffle