Salvador Dalí : pourquoi l'artiste surréaliste était-il la bête noire des journalistes ?

Sortie en salle le 7 février 2024, Daaaaaalí ! de Quentin Dupieux est un faux biopic en forme de voyage consacré à Salvador Dalí, souvent qualifié de "maître du surréalisme". L'artiste a redéfinit les frontières de l'art avec son imagination débordante et ses créations iconiques. En tant que figure emblématique du mouvement surréaliste, Dalí a incarné les principes de l'inconscient, de l'absurde et de la liberté créative, défiant les conventions artistiques et sociales de son époque. 

Son œuvre, caractérisée par des paysages oniriques et des éléments symboliques chargés de significations cachées, a captivé le monde. Cependant, derrière la façade de son génie artistique se cachait un homme complexe, souvent en proie à des contradictions et des conflits intérieurs. 

Sa relation avec les médias était le reflet de cette dualité, oscillant entre fascination et frustration, admiration et incompréhension. Pour Dalí, les interviews étaient à la fois une tribune pour exprimer ses idées les plus audacieuses et un terrain de jeu où il pouvait mettre en scène ses performances théâtrales les plus excentriques.

La danse avec les journalistes : une performance théâtrale

Salvador Dalí était non seulement un maître de la peinture, mais aussi un virtuose de la performance lors de ses interviews, transformant chaque interaction avec les médias en un spectacle théâtral captivant. Un exemple emblématique de cette performance est son entrevue avec Jacques Chancel en 1971. 

Dalí, vêtu de manière excentrique avec sa célèbre moustache en croc, a entamé la conversation avec une déclaration provocatrice : "Je ne prends que de la drogue et des médicaments légaux". Cette affirmation, énigmatique, a immédiatement capturé l'attention de Chancel et du public, lançant ainsi une série d'échanges mémorables où Dalí a jonglé avec les mots et les idées, créant un mélange d'admiration et de perplexité chez ses interlocuteurs.

Dalí était un artiste de la provocation, utilisant chaque interview comme une toile blanche où il pouvait peindre des tableaux verbaux extravagants et surréalistes. Son interaction avec les journalistes était une performance où il était le metteur en scène, l'acteur principal et parfois même le critique de son propre art. 

Cette capacité à contrôler la conversation et à susciter des réactions passionnées témoigne du génie créatif et de la personnalité flamboyante de Dalí, faisant de chaque entrevue un événement théâtral inoubliable pour le journaliste.

Je considère la télévision, le cinéma, la presse, le journalisme comme des grands moyens modernes d'avilissement et de crétinisation des foules.

Salvador Dalí, 1961, INA.

L'Art de l'incompréhensibilité ou le plaisir de dérouter

Salvador Dalí était un virtuose de l'art de l'incompréhensibilité, trouvant un plaisir sadique dans le fait de dérouter les journalistes et de les entraîner dans un labyrinthe de pensées surréalistes. Dans son entrevue avec Mike Wallace en 1958, Dalí a déclaré : "Je suis drogué, mais pas avec des drogues. Je suis drogué avec moi-même".

Pour Dalí, l'interview était une arène où il pouvait exercer son pouvoir de subversion et de manipulation linguistique, transformant chaque question en un défi à la logique et à la cohérence. Sa réponse énigmatique à Wallace était un exemple parfait de son talent pour semer le doute et l'incertitude, laissant les journalistes perplexes quant à la signification réelle de ses paroles.

Lors de ses interactions avec les médias, Dalí adoptait souvent une attitude ludique et espiègle, se lançant dans des divagations surréalistes et des déclarations absurdes qui défiaient toute tentative de rationalisation. Pour lui, l'interview n'était pas seulement un échange d'informations, mais une performance artistique où il pouvait exercer son pouvoir de déconstruction et de reconstruction de la réalité selon sa vision unique du monde.

En défiant les conventions de la communication et en refusant de se conformer aux attentes des médias, Dalí créait un espace d'expression libre où l'imagination pouvait vagabonder sans entraves. Son plaisir sadique à dérouter les journalistes était à la fois une manifestation de son ego surdimensionné et une forme d'art en soi, témoignant de sa capacité à transcender les limites de la pensée rationnelle et à explorer les territoires inexplorés de l'inconscient humain.

L'unique différence entre un fou et moi, c'est que moi je ne suis pas fou.

Journal d'un génie adolescent, Salvador Dalí.

Les victimes de la provocation : les journalistes

Les entrevues avec Salvador Dalí étaient souvent des expériences intenses et parfois déconcertantes pour les journalistes qui se retrouvaient plongés dans l'univers tumultueux du maître du surréalisme.

Un exemple frappant de cette dynamique est l'entretien de Dalí avec Edward James en 1965. Lorsque James lui a demandé comment il avait commencé à peindre, Dalí a répondu de manière provocatrice : "À l'âge de 6 ans, je voulais être cuisinier. À 7 ans, je voulais être Napoléon. Et ma fascination pour la peinture est venue plus tard". Cette réponse non conventionnelle témoigne de son désir de provoquer et de dérouter ses interlocuteurs, créant des moments d'incrédulité.

Pourtant, malgré les difficultés et les tensions, de nombreux journalistes étaient fascinés par Dalí et étaient prêts à affronter ses provocations pour obtenir un aperçu de son génie créatif. 

Son charisme magnétique et sa personnalité flamboyante les attiraient, les incitant à poursuivre les interviews malgré les obstacles. Il possédait la capacité à susciter des réactions passionnées, qu'elles soient positives ou négatives.

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