INVITÉE RTL - Leïla Slimani : "La littérature a pu me faire beaucoup souffrir"

Quand elle débute dans le monde de la littérature en 2014, l'autrice franco-marocaine Leïla Slimani, 43 ans, rencontre rapidement le succès. Avec son deuxième roman, Chanson douce, cette ancienne journaliste décroche le prestigieux Prix Goncourt. Par la suite, elle consacre six ans de son existence à sa famille, à se souvenir des siens et à réécrire leur histoire dans une saga en trois tomes qu'elle vient tout juste d'achever : Le Pays des autres, Regardez-nous danser et son petit dernier, publié en janvier 2025, J'emporterai le feu. 

Dans ses ouvrages, elle hurle, dénonce, explique et emmène son lecteur dans un voyage entre fiction et réalité. "Dès l'instant où j'ai commencé à écrire sur ces personnages, par la force du langage, par la force de l'imagination aussi, ils n'ont plus été mon grand-père, ma grand-mère ou mon père et ma mère. À partir du moment où vous vous autorisez à être à l'intérieur de quelqu'un, à décrire ses sentiments, ses émotions, ses peurs, ses désirs, vous êtes forcément dans la fiction", confie Leïla Slimani dans Au coeur de la création, un podcast RTL.

"Moi, ça ne m'intéresse pas de reproduire le réel tel qu'il s'est passé. Je trouve d'ailleurs qu'en général, ça fait des récits assez plats quand vous faites ça. Moi j'aime le roman, j'aime la fiction", poursuit-elle.

Le chaos, sa méthode d'écriture

Quel est donc son processus de création ? "Je suis très admirative et très surprise des écrivains, et j'en connais quelques-uns, qui font des structures et des plans extrêmement détaillés. Moi, c'est totalement l'inverse. J'écris dans le désordre, je peux commencer par la fin, écrire ensuite une scène du milieu, revenir au début, explique l'invitée de Xavier de Moulins. Pour mon éditeur, au début, c'était un petit peu compliqué de suivre ma manière de faire."

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Et d'ajouter : "J'écris beaucoup plus que je ne publie et j'ai besoin d'écrire beaucoup entre les scènes pour faire vivre le personnage. Donc, je coupe beaucoup, je corrige beaucoup. Je peux retravailler parfois une phrase ou un chapitre pendant plusieurs semaines parce que j'ai le sentiment qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Et ça peut être quelque chose qui paraît tout à fait anodin, mais qui m'obsède".

La souffrance dans la littérature

Et c'est ainsi qu'elle s'est construit "une terre de mots", dit-elle, reprenant ainsi une phrase du poète Mandelstam. "Je crois que la littérature, pour moi, c'est ça, c'est un refuge, mais parfois c'est un refuge qui peut être douloureux. Il y a des jours où il se transforme en prison, parce qu'on ne sait plus comment vivre en dehors d'eux. On n'a plus envie de revenir dans une vraie vie beaucoup plus violente."

Le risque ? Trop jouer avec son imagination, au point de ne plus savoir qui l'on est. "La littérature a pu me faire beaucoup souffrir. Parfois, j'avais envie de ne plus être moi, que ces livres n'existent plus, explique Leïla Slimani. Il y a une relation très intime qui s'établit entre vous et les lecteurs. Les gens ont l'impression d'être entrés dans votre tête, et c'est vrai d'une certaine façon, et vous racontent même des choses extrêmement intimes, très secrètes. Parfois, je suis en train de faire des courses, et d'un coup quelqu'un vient me parler de Chanson douce, de son enfant, de son rapport... Et je dois prendre tout ça. C'est très difficile parce que je ne sais plus qui est cette personne à qui ils parlent."

>> Au cœur de la création, un podcast présenté par Xavier de Moulins. Chaque samedi sur RTL, dans RTL Soir, le journaliste nous emmène à la rencontre d'hommes et de femmes qui ont décidé de consacrer leur vie à un art. Écrivains, cinéastes, cuisiniers ou encore chanteurs et photographes, ils livrent leurs secrets et vont vous inspirer. Retrouvez l’intégralité de cet entretien en podcast tous les samedis, ainsi qu’un épisode bonus, Les Essentiels, tous les mercredis.