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Darknet : la France spécialiste des usurpations et création d’identités factices

REPORTAGE - Fin octobre, l’opération internationale "Dark Huntor" a permis de saisir 45 armes, 234 kg de drogue près de 27 millions d’euros en numéraire, dans plusieurs pays. Immersion au cœur de ces sites internet cryptés, nommés "darknet".

Un clavier d'ordinateur
Crédit : NICOLAS ASFOURI / AFP
Hugo Amelin - édité par Lison Bourgeois
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C'est un marché en pleine expansion qui représente aujourd’hui des dizaines de millions d’euros. C’est le Bon coin, version illégale. Cocaïne, médicaments frauduleux mais aussi faux papiers d’identité et données sensibles d’entreprises se vendent chaque jour sur ces sites internet cryptés. Et pour arriver sur ces sites, il n'y a pas besoin d’avoir un bac + 10 en informatique. Il faut simplement passer par un portail d’accès, le plus célèbre en France, c’est Tor. Et ensuite y entrer les adresses exactes de sites marchands que les consommateurs, comme Mathias, trouvent via des forums ou par le bouche-à-oreille.  

Mathias a 34 ans, il est militaire et a quitté Montpellier en 2020. Installé dans un village en périphérie, il achète désormais son cannabis sur le "darknet" et se fait livrer à la maison. Le darknet, ce sont des sites réputés in traçables où l’on peut normalement surfer en tout anonymat.

On nous propose de l’herbe, de la résine de cannabis, de l’huile

Mathias, utilisateur du Darknet.

Mathias nous détaille le processus de connexion au Darknet : "Pour démarrer, on va sur le site Tor. C’est une sorte de Google du darknet. Un portail d’entrée, mais sans l’aspect moteur de recherche. Il faut déjà connaître l’adresse exacte d’un site marchand, qui s’échange de bouche-à-oreille, aussi bien sur les forums que dans la vraie vie. Quelques tests de sécurité, pour vérifier que l’on n'est pas un robot." 

Puis il déclare enfin :"Nous y voilà : on nous propose de l’herbe, de la résine de cannabis, de l’huile. D’autres sites vont vendre des fringues, des armes, de tout."

Ce n’est pas que de l’illégal, on peut aussi aller voir ses mails ou ce que l’on veut

Mathias, utilisateur du Darknet.
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"Le Darkweb, ce n’est pas que de l’illégal, on peut aussi aller voir ses mails ou ce que l’on veut, sans être "fliqué" comme sur Google" détaille Mathias. Puis il explique l'interface : "On peut choisir le pays d’origine du produit. Le dealer finalement, reçoit la commande, la met dans une enveloppe sous vide pour éviter les odeurs et l’envoie par la Poste. Et on poste des avis. Là, on a 3616 mecs qui ont donné un avis positif sur le vendeur et 4 qui ont donné un avis négatif. Il y a aussi des commentaires : "jamais déçu de ces produits" ou "rapidité et discrétion au top, merci".

Un fonctionnement commercial classique

"Comme un site marchand classique. Il faut avancer la somme, un peu plus cher que le marché noir. On peut même discuter avec le "vendeur", grâce à des messages cryptés et s’il y a le moindre problème ou un défaut d’envoi, on peut lui en demander un nouveau. Le courrier est suivi comme un recommandé. Dans 3 jours, il sera dans ma boîte aux lettres." avance Mathias. 
Plus au nord, dans les locaux de la Direction Centrale de la Police Judiciaire de Nanterre, le brigadier-chef Gérald est un cyberpolicier. Il est spécialiste de l’investigation sur Internet depuis des années. Après avoir lutté contre les réseaux de pédopornographies puis contre la fraude documentaire, il occupe aujourd’hui l’un des cinq postes dédiés au Darkweb. 

Il définit Dark-huntor comme "une opération d’Europol, qui mutualise plusieurs démantèlements de plateformes illégales effectuées ces derniers mois par les polices d’Europe : Darkmarket en Allemagne, "LMP" Le Monde Parallèle en France, où nous avons travaillé avec notre cyber-douane."

En France, vous allez surtout trouver des stupéfiants et des faux documents

Le brigadier-chef Gérald, spécialiste de l’investigation sur internet depuis des années.

"C’était l’un des forums les plus actifs du darknet Français", se souvient le brigadier-chef. "Le trafic sur Internet, ça représente des dizaines, voire des centaines de millions d’euros. En France, vous allez surtout trouver des stupéfiants et des faux documents. De faux chèques, de faux permis de conduire, de faux contrôles techniques et des données bancaires volées".

Les mots de passe, la porte d'entrée des hackers

"L’objectif c’est de se créer des identités factices pour ensuite faire des crédits à la consommation. Ou alors de l’usurpation, avec du piratage, sachant que les Français utilisent souvent le même mot de passe pour toutes leurs applications, les hackers vont avoir facilement accès à leur boîte mail, et donc toutes les pièces jointes sensibles qui y sont stockées : passeport, fiches de paye, etc." analyse le cyber-policier. 

"Ensuite, [les hackers] ouvrent un compte bancaire à votre nom et font un emprunt. Par exemple : au mois de mai dernier, une victime dans le Sud de la France qui s’est fait pirater et en l’espace de 6 mois, elle avait une dizaine de lignes téléphoniques ouvertes à son nom, un achat de véhicule en leasing et sept crédits à la consommation. Ça va très vite." détaille le spécialiste de l’investigation sur Internet.

On remarque que les trafiquants traditionnels investissent le darknet et y travaillent de plus en plus

Le brigadier-chef Gérald, spécialiste de l’investigation sur internet depuis des années.

Puis le brigadier-chef Gérald continue : "Pour les "stups", il y a trois ans on avait le petit étudiant qui vendait sa production dans son coin et maintenant on remarque que les trafiquants traditionnels investissent le darknet et y travaillent de plus en plus. C’est plus sécurisant pour eux parce que c’est la Poste qui s’occupe des livraisons. Et travailler avec des bitcoins ça permet de mieux masquer les flux financiers qu’avec du cash. Ils transforment les bitcoins en d’autres cryptomonnaies."

Le cyberpolicier ajoute qu'il dispose aujourd'hui de nouveaux outils. Ainsi, la police est autorisée à faire des enquêtes sous pseudonymes et quelques magistrats sont formés. Le brigadier-chef Gérald ajoute que pour traquer ces trafiquants 2.0, il "mixe les techniques policières et informatiques." Une démarche rigoureuse : "On les suit et on attend la petite bourde, qu’ils écrivent ce qu’ils ne devraient pas écrire par exemple. Et puis on essaie de remonter. On travaille beaucoup avec d’autres offices de police spécialisés : Europol, Interpol, les Etats-Unis, l’office central de lutte contre les stupéfiants

Cependant, le brigadier-chef Gérald  concède avoir plus de difficultés avec les pays de l’Est, russophones, qui donne moins de renseignements.  Mais le mois dernier, certains cyber-policiers sont partis en Ukraine pour interpeller un auteur de "rançon-giciel", c'est-à-dire une "prise d’otage" du système informatique d’une entreprise. 

De plus en plus de jeunes ou de trentenaires se tournent vers les plateformes illégales pour acheter leur drogue

Le brigadier-chef Gérald, spécialiste de l’investigation sur internet depuis des années.

"Aujourd’hui, avec les nouvelles générations, il y a de plus en plus de jeunes ou de trentenaires qui se tournent vers les plateformes illégales pour acheter leur drogue. Pour les criminels aussi, c’est moins risqué pénalement. Quand on fait 20, 30, 40 crédits à la consommation ça revient à la même somme que de braquer un fourgon blindé" détaille le brigadier-chef Gérald, spécialiste de l’investigation sur Internet depuis des années.

20% des entreprises seraient prêtes à payer la rançon

Gérôme Billois est un expert sécurité informatique auprès du cabinet Wavestones. Il s’intéresse particulièrement aux données des entreprises qui circulent sur le darknet et permettent de pirater leur système en réclamant une rançon, souvent plusieurs dizaines de milliers d’Euros. Selon lui, environ 20% des entreprises payent cette rançon, parce qu’elles se retrouvent complètement bloquées du jour au lendemain. 

Les criminels restent vulnérables puisqu'ils peuvent aussi se faire pirater par les enquêteurs. Pour blanchir l’argent, plusieurs solutions : des plateformes de conversion bitcoins-dollars qui ne sont pas très regardantes sur les documents à fournir ou alors un réseau de "mules", des personnes qui vont faire transiter l’argent sur leurs comptes ou vont acheter des montres de grandes valeurs ou des objets d’art. Des objets de nouveau expédiés ensuite à une tierce personne qui les vendra et récupérera l’argent.

La France compte aujourd’hui 3 magistrats spécialisés, 5 cyberpoliciers et 5 cybergendarmes concentrés sur le darknet, chacune des deux institutions ayant également des relais en région ou dans d’autres services d’enquêtes. La création d’un véritable parquet national contre la cybercriminalité à l’image des parquets anti-terroriste et financier a été recommandé au gouvernement au début de l’été par la Commission supérieure Numérique et des Postes

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