La rentrée politique avait été chargée pour Agnès Buzyn. Fin août, la ministre de la Santé a annoncé que dès le 1er janvier 2018, onze vaccins pour les enfants seraient obligatoires. Actuellement, seuls trois vaccins, contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, sont obligatoires pour les enfants.
"Nous laisserons évidemment le temps aux familles de se mettre en ordre de marche car il est hors de question de pousser les gens à vacciner dans l'urgence", expliquait la ministre. Elle ajoutait : "L'idée, c'est que les 15% des enfants (qui ne sont pas vaccinés, ndlr) qui mettent en danger les autres et qui favorisent la 'réémergence' d'épidémies pour lesquelles il y a des morts aujourd'hui se mettent en ordre de marche pour protéger le reste de la population".
Un mois et demi plus tard, Agnè Buzyn réaffirme sa volonté. La ministre de la Santé explique sur son compte Twitter : "Nous devons atteindre un taux de neuf enfants sur dix vaccinés pour éviter la résurgence d'épidémies et aujourd'hui, ces épidémies créent des décès et des séquelles graves chez les enfants".
Jacques Bessin, président de l'Union nationale des associations citoyennes de santé, estime sur Franceinfo qu'il s'agit d'une "hérésie" et ajoute que "les vaccins ont des effets secondaires neurologiques, musculaires mal mesurés et parfois irréversibles". Mais selon Michel Cymes, chroniqueur de RTL, "ne pas se faire vacciner ou ne pas faire vacciner ses enfants, c'est bien sûr se (ou les) mettre en danger. Mais comme ils peuvent porter les virus - puisque leur organisme ne s'en débarrasse pas -, ils peuvent les transmettre. C'est toute la problématique de la santé publique".
À l'antenne de RTL, il ajoute : "On ne vit pas dans une cave. Dans une société, on voit du monde, on côtoie des gens, on croise des personnes fragiles. On est donc responsable. Du moins, on devrait l'être. Compter sur les autres en se disant : 'Qu'ils se fassent vacciner, eux, comme cela je serai protégé !' est irresponsable. En matière de santé publique, Agnès Buzyn n'a pas à hésiter. Elle est ministre de la Santé, de la Santé de tous les Français, et elle (comme nous) doit tout faire pour expliquer à ceux qui sont inquiets pourquoi l'obligation vaccinale sera une très bonne mesure de santé publique".
Les députés ont voté mercredi 18 octobre en commission l'extension des obligations vaccinales pour les jeunes enfants après un vif débat, certains élus, dont la République En Marche Blandine Brocard, mettant en avant le risque de renforcer la "défiance" des Français. La mesure de porter à onze le nombre de vaccins obligatoires à partir du 1er janvier devra être revotée dans l'hémicycle, comme c'est d'usage pour les budgets.
Le sujet a suscité nombre d'interventions en commission des Affaires sociales, où la majorité des députés est intervenue en défense, comme Marie Tamarelle-Verhaeghe (REM), médecin de profession, qui a pointé "un enjeu majeur de santé publique". Mais sa collègue REM Blandine Brocard (Rhône) a défendu mordicus, en vain, un amendement de suppression, en assurant être "pro-vaccination". Elle a notamment jugé que "le calendrier ne permet pas effectivement de poser un débat serein" vu "une véritable défiance des Français", évoquant des études sur "une possibilité de liens entre la vaccination et des pathologies".
Cette juriste avait, début octobre, demandé publiquement un "moratoire" sur la mesure, lors d'une initiative avec des élus d'autres groupes. Cela lui avait valu un ferme rappel aux règles de prise de parole par le président de groupe Richard Ferrand.
Le 4 octobre dernier a eu lieu le lancement de la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière. Une campagne de communication dans les médias a été mise en place, à destination de 12 millions de Français, exposés au risque de complications de la grippe. Agnès Buzyn estime que "ces drames sont d'autant plus regrettables que nous pouvons les éviter. Moins de la moitié des personnes concernées sont couvertes (47,4% en 2016, ndlr), loin du taux de 75% recommandé par l'OMS (...) Si nous atteignons seulement les deux tiers, nous pourrions sauver 3.000 vies supplémentaires".
Selon l'AFP, qui cite une étude, "la crainte d'effets secondaires et un manque présumé d'efficacité freinent la vaccination contre la grippe chez les 65-75 ans (...) Moins de la moitié (45,9%) des personnes de cette tranche d'âge déclaraient s'être fait vacciner contre la grippe lors de l'hiver 2015-2016, note l'étude, publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l'agence Santé publique France, alors que la campagne de vaccination pour l'hiver prochain vient de débuter".
La composition du vaccin est modifiée chaque année en fonction de l'évolution des souches du virus en circulation. Ces souches peuvent parfois muter entre le moment où le vaccin est conçu et l'arrivée effective de l'épidémie, ce qui diminue alors son efficacité. Mais même avec une efficacité modérée, l'impact global sur la mortalité des personnes âgées reste sensible.
Selon une étude publiée en 2015, portant sur la période 2000-2009, plus de 2.000 décès par an ont été évités grâce à la vaccination, avec une efficacité moyenne du vaccin chez les personnes âgées évaluée à 35%. Le vaccin antigrippal est par ailleurs "considéré comme sans danger par l'Organisation mondiale de la santé" et n'entraîne que "des effets indésirables classiques et bénins" : réactions locales au point d'injection, fièvre ou douleurs musculaires, soulignent les auteurs.
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