ÉDITO - RN : "Que c’est difficile de présenter un projet pour l’Europe lorsqu’on s’est construit contre l’Europe", dit Gernelle
Étienne Gernelle est revenu sur le lancement de la campagne de Jordan Bardella pour les européennes et la mue du RN sur la question de l'Europe.
Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement national pour les élections européennes, a lancé sa campagne dimanche 3 mars à Marseille. Ce fut un exercice de contorsionniste. Que c’est difficile de présenter un projet pour l’Europe lorsqu’on est issu d’un parti qui s’est largement construit contre l’Europe. Autant demander à un végétarien de participer à un concours de pâté en croûte.
Dimanche, Jordan Bardella a finalement assez peu prononcé le mot "Europe", beaucoup moins en tout cas que le mot "France". Même les reproches contre Bruxelles se sont faits un brin plus succincts qu’autrefois. Bardella s’est d’ailleurs défendu de vouloir un Frexit, c'est-à-dire une sortie de l’Union.
Le RN a mis certaines choses en sourdine. La sortie de l’euro, par exemple. Cela fait longtemps déjà que le Marine Le Pen a compris que cela ne marchait pas. Les Français sont légitimement effrayés à l’idée d’une sortie de l’euro, notamment les épargnants, qui assisteraient à la dévaluation immédiate de leurs bas de laine. En ce sens, le fait que le RN ne dise plus un mot à ce sujet est un hommage posthume à Jacques Delors, récemment disparu.
Bardella accuse tout de même l’Europe de participer à "l’effacement de la France", c’est notamment la critique, attendue, de sa politique d’immigration. Il en a réitéré d’autres, comme celle, persistante aussi, qui consiste à accuser la Commission européenne d’avoir imposé la réforme des retraites. Ce qui est faux : recommander n’est pas imposer, et Bruxelles n’a même pas évoqué l’âge légal. Quoi qu’il en soit, Bardella déduit de tout cela son projet de réduction des compétences de la Commission dans le cadre d’une "alliance européenne des nations" aux contours peu clairs.
On ne voit pas très bien comment cette idée pourrait aboutir sans l’accord, improbable, des autres pays-membres. Cela ressemble un peu à la logique employée par le Premier ministre britannique David Cameron avant le Brexit : "Si vous faites ce que je veux, tout ira bien". On sait comment tout cela a fini. Donc pas de projet de Frexit chez Bardella, mais un petit parfum tout de même. Enfin, tout cela ne l’empêchera peut-être pas de faire un gros score, les sondages le créditent aujourd’hui d’environ 28% des suffrages. Comme quoi, on peut tout à fait gagner un concours de pâté en croûte quand on est végétarien. Du moins en politique.
