Cinq ans jour pour jour après l'occupation de la Grande Mosquée de Poitiers (Vienne), le 20 octobre 2012, cinq membres de Génération identitaire, un groupuscule d'extrême droite, comparaissent devant le Tribunal de grande instance de Poitiers pour "dégradation en réunion et provocation à la haine raciale ou religieuse". La partie civile est constituée des "Musulmans de France" (ex-UOIF), de la Communauté Musulmane de Poitiers, et trois associations de défense des droits de l'Homme ou contre le racisme.
Ce 20 octobre 2012, 73 militants du groupuscule, dont une vingtaine était fichée S à l'époque, s’étaient introduits illégalement sur le chantier de l'édifice religieux pour déployer plusieurs banderoles sur son toit, dont certaines affichaient crânement : "732 Génération identitaire" ou "souviens-toi de Charles Martel". Et de scander pendant plusieurs heures : "Charles Martel", "2012, Poitiers nous sommes les héritiers" et "Gaulois réveille-toi, pas de mosquée chez toi".
Ce sont des islamistes, ils sont en conquête religieuse
Damien Rieu, l'un des leaders du groupuscule identitaire
La raison de leur courroux ? La construction de cette mosquée "cathédrale" dans cette ville qui a accueilli la bataille de Poitiers le 25 octobre 732. "Ce sont des islamistes, ils sont en conquête religieuse", maintient l'un des leaders du groupe, Damien Rieu, au micro de RTL.
Ce proche de Marion Maréchal Le Pen en région PACA, désormais directeur de la communication de la mairie frontiste de Beaucaire, "ne regrette pas" d'avoir participé à cet envahissement, même lorsqu'il lui est opposé qu'aucun jihadiste répertorié par le ministère de l'Intérieur n'a fréquenté cette mosquée. "Ce n'est pas parce que dans ce lieu-là, personne n'est parti (en zone irako-syrienne, ndlr) que ce lieu n'est pas dangereux, avec un discours radical", rétorque celui qui se décrit sur Twitter comme reporter à Fdesouche, un blog d'inspiration identitaire.
Devant la mosquée, encore en travaux cinq ans après les faits, l'imam de Poitiers parle toujours de "provocations" et d'"insultes" lorsqu'il évoque l’intrusion. "Voir des gamins qui, au lieu de regarder l'avenir avec paix et ouverture, souillent la mosquée, ça ne fait pas grand plaisir", se lamente Boubaker El Hadj Amor.
Aujourd'hui, ces "gamins" sont nombreux, à l'instar de Damien Rieu, à avoir grimpé dans les rangs du Front National. Ils sont candidats ou sur les listes de la flamme aux municipales de 2014 dans le Rhône et en Moselle, sur des listes frontistes aux régionales ou en charge de la communication de plusieurs mairies FN. Certains d'entre eux sont même sur le banc des accusés ce vendredi matin.
Cinq ans après, Poitiers tente de tourner la page. Sans banaliser ce coup de force des identitaires, les Poitevins et leur maire, Alain Claeys, ont tenté de retrouver une certaine quiétude. "On n'avait jamais connu ça et je crois que l'on n'est pas tombé dans le panneau", analyse l'édile socialiste. Sa recette : renforcer les liens entre la mosquée et le diocèse.
"Ça a montré que malgré les agissements d'un certain nombre d'excités, qui d'ailleurs n'étaient pas du tout Poitevins, il n'est pas question de changer notre manière de faire et [de montrer] que nous étions frères", abonde le diacre délégué aux relations avec les musulmans.
Ce procès, qui se déroulera dans un palais de justice surveillé de près par les forces de l'ordre, sera l'occasion d'un nouveau test. Jeudi 19 octobre dans la matinée, un groupe d'étudiants antifascistes a annoncé vouloir se mobiliser à la sortie de l'audience ce vendredi soir.
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