Syrie : la population et certains rebelles sceptiques après les frappes
La France et ses alliés se félicitent de la précision des frappes en Syrie qui ont atteint leur objectif. La population, elle, se dit désabusée par cette offensive sans grande conséquence.

Les frappes en Syrie ont-elles eu le but escompté ? D'après Emmanuel Macron, oui. Le Président est apparu satisfait de l'opération aérienne lancée dans la nuit du 13 au 14 avril avec les États-Unis et la Grande Bretagne sur trois complexes d'infrastructures destinés au programme chimique syrien, lors de son interview dimanche 15 avril. "Nous avons réussi l'opération sur le plan militaire", s'est-il félicité.
Il avait annoncé quelques jours plus tôt avoir les "preuves" d'utilisation d'armes chimiques par le régime de Damas sur la population civile, ce qui équivalait au franchissement de la fameuse "ligne rouge" déterminée par Barack Obama en 2012.
Du côté des Syriens, le ton n'est pas tellement à la réjouissance. Depuis 7 ans, la guerre a fait plus de 350.000 morts, dont l'immense majorité a été tuée par des bombardements classiques et non à l'arme chimique.
Certains spécialistes, comme le journaliste Nicolas Hénin, rappellent aussi que l'attaque chimique du 7 avril était "la dernière d'une longue série attribuée au régime syrien".
La population espérait donc plus que quelques frappes de destruction d'armement chimique. D'autant que Damas a toujours les moyens d'attaquer chimiquement, selon un général américain cité dans L'Obs. Le journal s'interroge sur l'efficacité stratégique des bombardements occidentaux, et relève la communication très calme de la présidence de Bachar al-Assad au lendemain des frappes.
Ce qui vient appuyer la réaction d'un des groupes rebelles de la Ghouta orientale, Jaich al-Islam. Ce dernier a jugé ces raids de "farce". "Punir l'instrument du crime alors que le criminel est maintenu. Une farce", a estimé sur son compte Twitter Mohammed Allouche, haut responsable du groupe qui contrôlait Douma, la ville victime de l'attaque chimique.
Plusieurs figures de l'opposition sont apparues désabusées face à la réaction des Occidentaux, critiquant leur inaction quand le pouvoir Bachar al-Assad a recours à un arsenal traditionnel plus meurtrier que les armes chimiques. "Peut-être que le régime n'utilisera plus l'arme chimique, mais il n'hésitera pas à utiliser les armes qui lui ont été autorisées par la communauté internationale", ironise Nasr Hariri, le négociateur en chef du Comité des négociations syriennes (CNS), qui représente les principaux groupes d'opposition.
Même son de cloche pour Hadi Al-Bahra, un autre membre du CNS : "La nature des frappes du jour envoie un seul message à Assad : 'Tu ne peux pas continuer à tuer les enfants syriens avec des armes chimiques, utilise seulement les armes traditionnelles'".
On a veillé toutes les nuits pendant une semaine pour une frappe de quelques minutes
Karam Al-Masri, jeune photographe qui avait couvert la bataille d’Alep pour l’AFP
Cité par Libération, un jeune photographe syrien qui avait couvert la bataille d'Alep pour l'Agence France Presse réagit après les frappes, ne cachant pas sa profonde déception : "La déclaration de Trump à la télévision a duré plus longtemps que les frappes. On a veillé toutes les nuits pendant une semaine pour une frappe de quelques minutes."
Le quotidien a relevé plusieurs réactions de Syriens sur les réseaux sociaux avec des commentaires comme : "La petite frappe des Grands", "Une opération pour sauver la face", "Un pet de coq". Des réactions désabusées validées par celle des partisans du régime qui ont défilé dans les rues, drapeaux russes et syriens en main, comme s'ils célébraient une victoire.
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