Le samedi 3 décembre prochain, François Hollande se rendra aux Émirats Arabes Unis pour inaugurer le Louvre Abou Dhabi. Inaugurer est un grand mot, car le bâtiment est encore vide. On a fait entrer l’eau le mois dernier sous l’immense dôme ajouré, donnant au musée un côté vénitien, comme c’était prévu par l’architecte Jean Nouvel, qui a construit sur un terrain gagné sur le Golfe persique. Le bâtiment est terminé, mais les 600 pièces du musée ne sont pas installées.
Théoriquement, le Louvre Abou Dhabi devrait déjà être ouvert. Il faudra peut-être encore attendre un an. François Hollande n’attendra pas. Il visitera les salles nues, sans doute avec le prince héritier. Mais peu importe que le lieu soit inauguré ou non. Car ce n'est pas un musée comme les autres, explique Alexandre Kazerouni, chercheur à l’École normale supérieure.
"Ce musée n'a pas besoin d'être inauguré, il a déjà fait son travail qui est de rendre le nom 'Abou Dhabi' connu en France", affirme le meilleur spécialiste du sujet. "Ce musée est plus intéressant à l'état de projet, parce que c'est à l'état de projet qu'on en parle, alors qu'une fois inauguré cela va surtout représenter des dépenses d'entretien et beaucoup moins des dépenses utiles politiquement", décrypte-t-il.
C’est vrai que depuis le projet de Louvre, Abou Dhabi est devenu très connu en France. Il y a dix ans, lors du lancement du projet en 2006, des Émirats Arabes Unis on ne connaissait que Dubaï. Aujourd'hui, Abou Dhabi a supplanté Dubaï dans nos esprits. Battre Dubaï, c’était le premier objectif de l’émir d’Abou Dhabi. Le musée a permis d’associer son émirat à une image positive du monde musulman. Mais le pouvoir à Abou Dhabi a renforcé son autoritarisme. La culture, l’ouverture à l’universalisme, le projet du Louvre n’ont pas fait progresser la démocratie. Au contraire.
La preuve que ce Louvre est d’abord une arme politique, et la preuve que le musée compte moins que le projet : Abou Dhabi s’est montré assez radin pour acheter des œuvres. La collection sera belle, mais il n’y aura pas de chefs-d’œuvre. Car il n’y avait pas assez d’argent pour en acquérir.
Financièrement, la France a engrangé un milliard d'euros en cédant la marque Louvre pour trente ans, en vendant l’expertise française et en louant des tableaux. La somme est énorme. Mais la France espérait plus, souligne Alexandre Kazerouni, qui publiera bientôt Le miroir des cheikhs. "Ce projet n'a pas permis aux Français de tisser un réseau à Abou Dhabi qui aurait pu être fructifié au niveau économique par la suite. Ce musée n'a pas permis d'ouvrir des parts de marché pour obtenir des contrats mirobolants dans des domaines où les sommes sont plus importantes", décrypte-t-il. "Après le contrat Louvre Abou Dhabi, la France a perdu le contrat sur le nucléaire", fait-il ainsi remarquer.
Cela dit, il n’y a pas que l’argent qui compte. Le Louvre à Paris sort de ce projet mieux armé. Car les conservateurs du Louvre et les concepteurs du projet ne se sont pas contentés de "cloner" le Louvre. Ils ont engagé une profonde réflexion qui, sans ce Louvre Abou Dhabi, n’aurait pas eu lieu. Quel sens a aujourd'hui le modèle français du Louvre ? Comment ce modèle unique peut s’adapter à la mondialisation ? Le "Louvre des Sables" a déjà changé la façon dont on accueille les visiteurs sous la Pyramide, en bord de Seine.
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