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Les "fenêtres à bébé", le système d'abandon d'enfant encore toléré par l'Allemagne

REPORTAGE - En Allemagne, près de 90 petites boîtes chauffées et surveillées accueillent des nourrissons abandonnées, une pratique que la France a bien connu il y a plus d'un siècle.

Une femme faisant la démonstration d'un "Babyklappe", trappe où des parents peuvent déposer anonymement leurs enfants à Berlin (photo d'illustration)

Crédit : GEILERT/CARO FOTOS/SIPA

Arnaud Tousch

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En Allemagne, on les appelle les "fenêtres à bébé". Elles sont environ 90 à être installées partout dans le pays. Elles permettent aux mères d'abandonner leurs nouveaux-nés anonymement. Depuis 15 ans, près de 300 enfants ont ainsi été recueillis puis adoptés. En France, beaucoup l'ont s'en doute oublié, mais ce dispositif existait déjà au XIXème siècle.

Malgré cette présence ancienne, ces fenêtres à bébé font toujours polémique en Allemagne. Après plusieurs semaines de négociation, RTL a pu se rendre au sein de la clinique St Joseph à Neunkirchen (Sarre) dans le sud-ouest du pays.

Deux fois cette alarme a retenti dans le hall de l'hôpital. Deux mamans, une pendant le printemps, l'autre pendant l'été. Elles ont fait le choix d'abandonner leur nouveau-né l'année dernière dans ce qu'on appelle ici une "fenêtre à bébé". Un lieu qui, par nature reste, visible. "Nous sommes près de l'entrée arrière de l'hôpital, mais c'est un endroit qui reste très accessible", explique Stéphanie Conrad, la directrice des soins.

Un cocon chauffé, aseptisé et surveillé

Ce dispositif est le seul pour tout le Land. Cette fenêtre à bébé est intégrée à la façade, elle ne fait pas plus d'un mètre de large, elle est également chauffée. L'intérieur est aseptisé et donne l'impression d'un petit cocon. "Elles ouvrent la fenêtre, elles peuvent mettre le bébé à l'intérieur, elles peuvent le couvrir. Ici, derrière il y a des fascicules d'informations en différentes langues dont le français", décrit Stéphanie Conrad.

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Logique, lorsque l'on sait que la clinique est située à peine à 25 minutes de la frontière française. Dans cette "boîte", 4 enfants ont été récupérés depuis 2011. "Je vais derrière l'hôpital, mais pas directement, je fais un détour jusqu'à la fenêtre à bébé pour être sûre de ne pas croiser la maman. Je sors le bébé de la fenêtre et une fois que je l'ai pris je fais un premier examen du nouveau-né pour savoir si tout va bien...", raconte Tania Kieffer, une des infirmières chargée de la surveillance du dispositif.
 
Après les première analyse médicale et les premiers soins, c'est au tour de la directrice de prendre le relais sur le volet administratif. "Nous informons toujours le ministère de l'Intérieur, on doit également informer la police qu'un bébé a été déposé chez nous car, parfois, un crime peut se cacher derrière", rappelle Stéphanie Conrad.

Aucune maman ne se dit : 'Je vais me débarrasser de mon enfant ici'

Tania Kieffer, infirmière

La plupart des nouveaux nés arrivent ici avec le cordon ombilical mal coupé, ce qui témoigne bien souvent d'un accouchement sans assistance. Ils sont majoritairement déposés tard la nuit, ou le week-end. "C'est toujours un grand moment d'émotion… raconte Tania Kieffer la gorge nouée. Aucune maman ne se dit : 'Je vais me débarrasser de mon enfant ici'. Elle se fait beaucoup de souci".

La plupart des mères ne laissent aucun document lors de l'abandon. C'est à l'équipe médicale de décider du nom des enfants. "Avant, on les appelaient tous Joseph et Joséphine parce que la clinique s'appelle justement Saint Joseph, mais il y en avait trop... Du coup, pour les derniers enfants, on regardait quel était le prénom du jour sur le calendrier et on choisit des prénoms qu'on pourrait donner à nos propres enfants", rapporte la directrice.


La mère a 12 semaines pour changer d'avis et récupérer son enfant. Passé ce délai, il est transféré dans une famille d'adoption et changera à nouveau de prénom. En Allemagne, ces fenêtres à bébé font polémique. Depuis 2013, la loi autorise l'accouchement confidentiel mais l'enfant pourra demander l'identité de sa mère dès qu'il aura atteint l'âge de 16 ans. Un texte de loi qui fait toujours bondir Stéphanie Conrad. "On a toujours eu beaucoup de problème avec cette loi. Malheureusement cette année, nous avons tout de même récupéré deux nouveaux nés dans la fenêtre à bébé. Pour moi, ça prouve clairement que cette loi n'est pas une bonne solution".

Un geste d'amour et d'espoir

La France n'est pas étrangère à ce système. Les "fenêtres à bébé" étaient appelées autrefois les tours d'abandon. Un décret obligeait chaque hôpital à en avoir une depuis 1811. C'est au Musée de la médecine, dans la maison natale de Gustave Flaubert, que sont conservés ces petits mots. Des écrits déposés par des mères en abandonnant leur enfant. Une collection unique en France.
 
"Pauvre petite Léontine, ta mère te quitte avec regret. je suis trop jeune, je ne peux te suffire, je vais pleurer et gémir sur ton sort. Ce dépôt à lieu à 11h du soir le 9 juillet 1853 à Rouen", lit Sophie Demois, la responsable du musée. On voit que c'est un geste de désespoir mais c'est aussi un geste d'amour et quand on voit aussi ces petites cartes à jouer coupées en forme de cœur, des gravures découpées aussi, des billets en forme de cœur préparés quand même - il y a une certaine élaboration - on voit bien que la mère espérait pouvoir retrouver son enfant un jour et le réclamer à l'hospice général", poursuit-elle.

Aujourd'hui encore, les boîtes à bébés en Allemagne sont toujours dans un flou juridique. Le gouvernement devrait analyser leur situation encore cette année. D'un siècle à l'autre, de la France à l'Allemagne, la motivation de ces femmes reste aujourd'hui la même : celle d'abandonner leur enfant, sans être jugé. Donner à leur nouveau-né une vie qu'elle n'aurait peut-être jamais pu leur offrir.

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