Ne pas exister. N'être strictement rien aux yeux de l'administration. Si ce quotidien paraît impensable ou presque, des millions d'enfants vivent pourtant cette triste réalité dans le monde entier. Ils portent un nom : les "enfants fantômes".
Ces futurs adultes sont légion dans certaines régions du monde. C'est le cas notamment en Afrique subsaharienne ou encore en Asie du sud. Là-bas, le phénomène existe dans chaque école. S'ils ont bel et bien un prénom et même un nom, ils ne sont qu'une ligne blanche au niveau des institutions. Un véritable fléau international pointé du doigt par Laurent Dejoie, notaire et directeur de l'Association du notariat francophone. Celui qui était également élu de la République s'est investi dans cette thématique publiant en 2014 le livre Les enfants fantômes en collaboration avec Abdoulaye Harissou.
Trois mots qui mettent en lumière un phénomène extrêmement répandu. Au moins 230 millions d'enfants de moins de cinq ans sont concernés à travers le monde. En 2012, seulement 60% des nouveau-nés aux quatre coins des continents ont été enregistrés à leur naissance. Une nécessité administrative qui influence pourtant chaque seconde et minute d'une existence.
Il y a deux ans, Robert Badinter résumait cette situation au micro de RTL par des mots qui résonnent encore : "Ils sont voués à être des misérables". Auteur de la préface du livre co-écrit par Laurent Dejoie et Abdoulaye Harissou, l'ancien ministre de la Justice évoquait alors leur "condition cruelle". "Rien ne saurait justifier le silence (...) Tout être humain a droit au respect de sa personne et de sa dignité. Parce qu’il n’a pas d’existence légale, il est un enfant perdu dans ce monde difficile. Il est condamné, par là-même, à l’ignorance, la misère et le rejet social".
Ils sont voués à être des misérables
Robert Badinter
Dans un anonymat total, ces enfants sont alors privés d'accès à la santé, à l'éducation et à toutes formes de droits sociaux. Le problème est particulièrement visible dans les zones géographiques touchées par la pauvreté, la discrimination, les épidémies ou les conflits armés. Malheureusement, les conséquences ne sont pas seulement administratives. Comme le développait déjà l'Unicef dans son rapport en 2006, l'exclusion accentue également l'exploitation, la négligence, la traite et les mauvais traitements d'enfants.
Avoir une identité reconnue par l'administration est pourtant un droit fondamental inscrit dans la Convention des Droits de l'Enfant. Et malgré les évolutions à travers le monde et le développement de certaines économies, le nombre de ces "enfants fantômes", également appelés "enfants invisibles", ne cesse d'augmenter. Le constat est des plus alarmants : ils pourraient être deux fois plus nombreux d'ici 2050.
Des associations travaillent pour endiguer ce phénomène. Ainsi Plan International est en train de développer une nouvelle stratégie via une application mobile qui permettrait de notifier plus facilement l'état civil des naissances, dans les villages les plus reculés par exemple. "Aller chercher le