Elle a eu lieu le 15 septembre 2008. La faillite de Lehman Brothers. Par la suite, les
faillites à Wall Street se sont alors multipliées, dans une sorte d’effet
domino. Quelques jours plus tard, les gouvernements du monde entier étaient
contraints de garantir nos dépôts bancaires, de façon à éviter une panique
comme dans les années 1930. L’Europe a mis des années à se remettre de la crise
économique qui a suivi.
Afin que ce genre crise ne se reproduise plus, des leçons en ont été tirées... mais seulement en apparence. On a réglementé de façon sévère les banques occidentales, pour
limiter leurs prises de risque, ça, c’est vrai.
Le problème, c’est que le risque s’est déplacé en dehors des banques. Les régulateurs ont toujours un temps de retard, parce qu’ils s’attaquent toujours aux endroits où la précédente crise a éclaté, justement les banques, en 2008. Mais ils ne voient pas où éclatera la prochaine.
Évidemment, rien n'est sur, mais la prochaine crise semble probable. Personne ne peut sérieusement dater avec précision, c’est dans cinq
jours ou dans 5 ans. Il faut toujours distinguer, dans une crise, le
déclencheur, c’est une faillite, c’est une guerre locale, c’est un gouvernement
qui tombe, un événement accidentel dont l’occurrence est par nature
imprévisible, et les dangers de long terme qui s’accumulent, eux visibles. Ce
sont ces derniers qui donnent sa puissance à la crise. Le déclencheur, ce n’est
qu’une allumette sur une bombonne de gaz.
C’est
l’extraordinaire accumulation de dette dans le monde, qui supposerait une
croissance forte dans les années qui viennent pour être remboursées, alors que
la planète vieillit et que le changement climatique peut nous obliger à réviser
la façon de produire, de consommer. Il y a là, une contradiction. Ces dettes, ce
sont celles des états.
À cause de la crise sanitaire, les états ont dépensé 15
à 20 000 milliards d’euros, c’est 8 fois le PIB annuel de la France. Ces dettes
sont aussi dans l‘immobilier chinois, qui commence à montrer des signes de
fragilité. Hier encore, des épargnants ruinés manifestaient à Shenzhen, dans le
sud de la Chine, à cause de la faillite d’un gigantesque promoteur surendetté.
En fait, les dettes sont partout.
Pour l’instant, il n’y a pas de danger. Les taux d’intérêt sont très bas, ce qui rend la dette supportable. Les banques centrales maintiennent le prix du crédit très bas, autour de zéro. Mais est-ce que c’est durable ? Si l’argent est gratuit, les entreprises, les états, les financiers, prennent de plus en plus de risque, et on augmente alors la probabilité de crise, alors qu’on voulait la faire diminuer…
Il n’y a pas de formule magique. Il n’y a pas de vaccin contre l’imprudence et l’espoir du gain. La leçon de Lehman, 13 ans plus tard, c’est qu’il n’y a pas de leçon des crises. L’histoire économique est ponctuée d’épisodes de panique et de reprises, parce que le déterminant fondamental de ces alternances, c’est la psychologie des hommes, leurs illusions, leurs excès, suivis par leurs peurs tout aussi excessives. Et la modernité ne nous protège en rien de ces travers. Car s’il y a peu de chances pour que nous soyons plus bêtes que les générations précédentes, il y a aussi peu de chances pour que nous soyons plus intelligents.