Les mariages entre entreprises, c'est comme entre les personnes : ça se fait... Et ça se défait ! Pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la raison, exactement comme les couples. Cette semaine, c'est Technip, un joyau de la technologie en matière d'exploration et de forage pétrolier et gazier, qui annonce une scission.
Entreprise naguère française, elle s'était vendue à un partenaire américain pour un mariage controversé, il y a tout juste deux ans. Fusion catastrophique, qui avait vu cette entreprise leader dans son secteur passer de fait sous contrôle américain. Il en avait résulté une guerre des dirigeants, perdue par les Français, alors que le siège de l'entreprise avait quitté Paris pour Londres pour raisons fiscales.
Aujourd'hui, deux ans plus tard, l'ensemble Technip FMC est donc recoupé en deux, redonnant naissance à une entreprise américaine, et à une française, ou plutôt néerlandaise, toujours pour raison fiscale, mais avec son siège à Paris et dirigée par une femme française.
Cette entreprise est l'un des spécialistes mondiaux de la conception et réalisation de projets industriels. C'est elle qui a été par exemple maître d'oeuvre du gigantesque projet gazier de Yamal, en Sibérie, le plus grand objet artificiel ayant jamais été créé sur terre, sur 8.000 pilotis, à 600 kilomètres au nord du cercle polaire, dans une région gelée 8 mois par an, où les températures descendent jusqu'à moins 50 degrés.
Un chantier de 25 milliards d'euros, qui a mobilisé 30.000 personnes dans différentes parties du monde, car il a fallu préfabriquer plus de cent énormes pièces détachées en quelques sorte, dans les chantiers navals asiatiques. C'est Total est qui est l'un des principaux exploitants de cette infrastructure hors du commun, qui devrait compter pour 15% du marché mondial du gaz liquéfié.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il n'est pas rare qu'une entreprise réputée prenne des décisions contradictoires aussi importantes, à deux ans d'écart pour ce cas précis. Cette semaine encore, c'est Philip Morris, le cigarettier américain qui fabrique notamment les Marlboro, qui annonce vouloir fusionner avec Altria, un autre industriel du tabac, alors que les deux entreprises n'en faisaient qu'une il y a dix ans et qu'ils avaient trouvé alors de bonnes raisons de se séparer !
Faire et défaire, c'est toujours travailler. Regardez encore Daimler Chrysler, la fusion de deux constructeurs auto, l'un Allemand, l'autre Américain, qui a abouti quelques années plus tard à une séparation avec des milliards de pertes... Rappelez vous encore l'abandon de la fusion entre Publicis, le géant français de la pub, et Omnicom, seulement neuf mois après l'annonce.
Cela veut-il dire que les chefs d'entreprise raisonnent mal ? Ils prennent parfois leurs décisions pour des raisons d'égos, constituer le N°1 mondial, de mode, atteindre la taille critique, ou bien à cause d'une conjoncture spécialement porteuse qui déforme la vision de l'avenir.
Mais ce qui rend ces mariages si délicats à réussir c'est un mélange de plusieurs facteurs : la culture des entreprises, leur histoire, leurs procédures, leurs identités, qui sont spécifiques et qui résistent à la fusion.
25 ans après le rachat de Citroën par Peugeot, les ingénieurs de la marque aux chevrons méprisaient ceux de la marque au lion. Sans compter la guerre des chefs entre les deux prétendants, à tous les étages. À cela il faut rajouter la différence d'état d'esprit lorsque les fiancés sont de nationalité différente.
Un Français ne fait pas du business comme un Américain ou un Allemand, ils ne se comprennent pas toujours. Et il faut encore ajouter les problèmes de compatibilité des systèmes d'information, les ordinateurs ne sont pas plus faciles à marier que les hommes. C'est tout cela qui explique qu'une fusion sur deux échoue.