Depuis plus de 10 ans, le Mémorial de la Shoah organise chaque année des voyages d'étude sur le site d’Auschwitz-Birkenau en Pologne, encadrés par des rescapés et des accompagnateurs-historiens. Destinés aux élèves de l’enseignement général, professionnel et agricole, ces voyages d'étude s'inscrivent au cœur d'une démarche éducative.
Un sondage Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès pointe les lacunes de certains Français concernant le génocide des juifs perpétré pendant la Seconde guerre mondiale. Un Français sur dix affirme n'avoir jamais entendu parler de la Shoah. Aujourd'hui, les derniers survivants des camps de la mort témoignent encore, pour que la mémoire perdure.
Parmi eux, Ginette Kolinka. Déportée à 19 ans, elle a survécu à l'enfer. Un enfer qu'elle raconte inlassablement. Tous les mois depuis près de 20 ans, elle accompagne des jeunes collégiens et lycéens à Auschwitz, pour leur transmettre ses terribles souvenirs.
À presque 94 ans, Ginette Kolinka nous a reçus dans son appartement parisien. Un lieu chargé de mémoire où elle vit depuis son enfance. "Je suis arrivée dans cet appartement, j'avais une dizaine d'années, même s'il y a eu une interruption de 42 à 45. Mais je suis installée là depuis".
En 1942, elle s'appelle encore Ginette Cherkasky. Elle a 17 ans
quand, avec ses parents, ses cinq sœurs et son frère, elle fuit la capitale pour
rejoindre le sud de la France, la zone libre. "On a quitté Paris fin juin début juillet comme des voleurs
en laissant tout dans la maison. Absolument tout !", se souvient-elle.
Un départ juste avant la rafle du Vel d'Hiv où des milliers de
familles juives seront arrêtées. Eux parviennent à traverser le pays et
s'installent à Avignon. "Quand on est arrivés en zone libre, on ne
s'est pas fait recenser comme juifs. On était orthodoxes. C'était faux, mais
papa avait acheté des faux papiers".
Là-bas, Ginette travaille sur
les marchés. Mais tout s'arrête le 13 mars 1944 alors qu'elle rentre
déjeuner : "Il y avait la Gestapo devant eux. Mon père, qui avait
61 ans ; mon petit frère qui avait 12 ans et demi ; mon neveu qui
avait 14 ans...", souffle-t-elle.
Les Cherkasky ont été dénoncés comme juifs. "Ils
ont amené Gilbert, Jojo, Papa dans la cuisine, ils les ont fait déculotter : ils étaient circoncis. Cela veut dire que ce monsieur qui nous avait dénoncés avait raison...", dit-elle d’un ton sec.
Après un mois passé au camp de Drancy, près de Paris, ils vont connaître l'enfer du voyage dans des wagons à bestiaux. "On n'a pas d'air. On est là-dedans 80, 70, 100... En tous cas, beaucoup ! On se n'est pas lavés pendant ces trois jours et ces nuits. On faisait nos besoins dans un seau !".
En avril 1944, Ginette Kolinka a 19 ans, lorsqu'elle est déportée au camp d'Auschwitz Birkenau. Son histoire, Ginette n'en dit pas un mot pendant plus de 50 ans : "Je ne voulais pas la raconter du tout pour ne pas embêter les gens", dit-elle. Mais aujourd'hui, les choses ont bien changé.
Il
y a quelques jours, elle s'est envolée vers la Pologne avec 150 lycéens en
partenariat avec la région Normandie et le mémorial de la Shoah. Auschwitz-Birkenau. Un voyage important pour Florian Picard, le
professeur de lettres et d'histoire qui accompagne les jeunes. "Si on
fait de l'actualité avec la montée des populismes un peu partout, il faut
rappeler que ça a commencé comme ça, par une élection. Donc oui c'est
important..."
La visite débute là où le convoi 71, qui transportait Ginette et
près de 1.500 autres personnes, s'est arrêté. Pour Ginette, c’est encore
l’inconnu : "On est contents d'arriver, on ne sait pas encore ce qui
nous attend. C'est le moment où c'est encore très agréable quand on
arrive..."
C'est ici pourtant qu'elle verra pour la dernière fois son père et
son frère envoyés directement dans les chambres à gaz, comme 90% des juifs
déportés à Birkenau. Ginette Kolinka a passé plus de 7 mois dans les
baraquements derrière la porte de la mort.
Ginette trouve les mots qui touchent les élèves. "Là, on se rend compte du monde qu'il y avait dans le camp. C'est impressionnant, c'est énorme quand on voit toutes ces chaussures comme ça. C'est hallucinant !", témoigne Arthur. Les élèves découvrent les vestiges des chambres à gaz dynamitées par les nazis à leur départ du camp, des traces de l'extermination systématique. "En fin de compte, on n'était rien, rien pour eux parce qu'on était juifs".
En novembre 1944, Ginette est transférée vers un
autre camp, deux mois avant la libération d'Auschwitz. Elle retrouvera ensuite sa mère
et ses sœurs restées en France en juin 1945. Aujourd'hui, elle est l'une des
dernières rescapées à pouvoir faire le déplacement et témoigner. "Beaucoup
de mes camarades disparaissent. Il faut reconnaître que les Nazis voulaient
nous tuer entre 15 et 20 ans... Vous voyez, eh bien, on a tenu le
choc !". L'humour pour habiller la pudeur.
Ginette Kolinka compte
sur ces jeunes pour que la mémoire de la Shoah ne s'éteigne jamais. "Maintenant
que vous avez vu, vous êtes devenus notre mémoire...", leur dit-elle.
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