Centrales nucléaires, Élysée... L'épidémie de survols, de décembre à mars dernier, a révélé un trou béant dans la sécurité du pays. Dépassés, les pouvoirs publics, discrètement, depuis cherchent la parade. Comment peut-on empêcher ces poids plumes volants, qui passent sous les radars, de déjouer nos plus beaux systèmes de détection ? Depuis plusieurs mois, Franck Lefèvre, directeur optique du Laboratoire français de l'aérospatiale (Onera) au ministère de la Défense, fait plancher ses chercheurs.
"Ces drones sont de la taille d'un oiseau. Le challenge est donc d'inventer un système qui fait la différence entre un oiseau et un drone, de façon à ne pas générer une alerte qui serait une fausse alarme parce que ce serait le passage d'un volatile", explique-t-il.
C'est extrêmement compliqué de faire la distinction entre un drone et une mouette au-dessus d'une centrale nucléaire. Les industriels explorent toutes les pistes possibles : l'optique, en reconstituant une image 3D du drone ; l'acoustique, en utilisant le son du drone et les radars ; et de nouveaux radars. Airbus Defence and Space devrait être le premier à proposer une solution dès l'été prochain. Son dispositif anti-drone se présente sous la forme d'un rectangle aussi grand qu'une boîte aux lettres posée sur un trépied, accompagné d'un radar.
En zone rurale, vous pouvez faire tomber un drone. Mais en zone urbaine, au-dessus d'habitations ou d'une place de marché, ce n'est évidemment pas possible. La solution, éminemment plus complexe, c'est de prendre les commandes du drone. "Les tests pratiqués sont assez concluants", nous confie-t-on chez Airbus.
Le challenge est d'inventer un système qui fait la différence entre un oiseau et un drone
Franck Lefèvre, directeur optique du Laboratoire français de l'aérospatiale
Les ingénieurs sont aujourd'hui capables prendre le contrôle d'un drone avant qu'il n'entre dans un périmètre défini. La méthode consiste en fait à brouiller la communication pour détourner l'engin et le faire atterrir là où on veut, ou même à le reprogrammer pour le renvoyer d’où il vient et interpeller son propriétaire. Ces dispositifs pourraient être installés, par exemple, dans les centrales nucléaires ou le long des lignes de chemin de fer.
L'autre solution aussi pour éviter les actes malveillants, c'est aussi de mettre des mouchards dans les drones. Le gouvernement pourrait forcer les constructeurs à installer des logiciels à l'intérieur des drones. C'est à l'étude, nous dit-on dans les ministères. On pourrait aussi brider l'ordinateur de bord : l'empêcher de décoller si vous le programmez à Paris ou au-dessus des sous-marins nucléaires de l'Île Longue, à Brest.
Des puces d'identification ou des cartes SIM pourraient être installés lors de la fabrication pour tracer les propriétaires. Cela permettrait de faire le tri : un drone non identifié, dont on aurait arraché la puce, serait alors immédiatement détecté comme hautement suspect. Ces réglementations n'auraient du sens que si elles sont prises au niveau international. Tout l'enjeu, c'est aussi de prendre des dispositions sans qu'on se prive du bénéfice que nous apportent les drones et sans freiner la croissance exponentielle de ce secteur.
Parrot, le leader français du drone, par exemple, double tranquillement son chiffre chaque année depuis trois ans. Ce serait dommage d'abattre cette croissance en plein vol.
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